Louis Guédet

Vendredi 8 juin 1917

1000ème et 998ème jours de bataille et de bombardement

6h1/2 soir  Mille jours de bombardement, c’est formidable et on reste atterré devant ce chiffre !! Et ce n’est pas fini. Nuit tranquille. Temps lourd, orageux. Orage du reste vers 5h. Vu le matin à la Poste Beauvais. Causé du Maire, du Cardinal, de leur rapprochement, et comme c’est un intime du Maire, j’ai su que le Dr Langlet attend une visite du Cardinal à l’occasion de l’incendie de l’Hôtel de Ville. On sent que cela lui fait plaisir. Comme à 2h j’ai reçu la visite de l’abbé Compant, vicaire Général, je lui ai dit mon impression. Il a été absolument de mon avis que le cardinal, après sa tentative du 3 (jour même de l’incendie) ou le commandant de Police l’a prié de ne pas passer le barrage, aurait dû renouveler sa visite quelques jours après. Il doit en parler à Mgr Neveux et au cardinal. J’ai surtout insisté pour que le cardinal affecte de ne pas compter les visites et de montrer qu’il tient à continuer les relations. Le Maire y sera très, très sensible comme je le connais. M. Compant m’a parfaitement compris.

Assez nombreuses lettes, dont une de Mandron, Père, pour me demander un service sur place, et qu’en même temps il me disait que rendant visite au Procureur Général M. Herbaux il y a environ 3 semaines, celui-ci m’avait proposé pour la Légion d’Honneur, qu’il était surpris de n’avoir pas encore cette nomination, et qu’il se proposait de revenir à la charge près du Ministre de la Justice. Mandron m’en félicitait. Ceci concorde avec tout ce que je savais par ailleurs. Fais des courses l’après-midi, rencontré Lesage et Houlon, bavardé rue Libergier au coin de la rue des Capucins avec eux, de Guichard, des rancunes qu’il suscite contre lui pour toutes ces citations et rubans dont il semble le grand dispensateur. Après le Dr Simon qui claque les portes en s’en allant, Malicet, l’économe des Hospices, fait paraitre une tartine sous la signature de son fils pour crier au favoritisme dans le Petit Rémois. Bref voilà bien de l’encre gâchée pour des rubans et des boutonnières qui ne demandent qu’à s’ouvrir. Et j’avoue que j’en ris sous cape, car Houlon et moi (qui sommes aussi les victimes de ces mesquineries) avons pris le bon, le vrai moyen, nous gardons le sourire !! Et…  le beau rôle !… On sent que les autres sont assez épatés de cela. Mais Dieu sait si ma promotion par le Ministère de la Justice réussissait bientôt… (Rayé) tous ces gens-là !! C’est moi qui pourrait me payer leurs…  figures…  Je n’aurais qu’un regret, c’est que Houlon ne soit pas promu aussi de la même façon. Malheureusement ce n’est pas possible…  Je le regrette sincèrement.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Vendredi 8 – + 18°. Nuit tranquille. Via Crucis in Cathedrali vastata. Orage. Visite du Général de Mondésir.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

Vendredi 8 juin

Dans la région au nord-ouest de Saint-Quentin, un fort parti d’Allemands a tenté vers minuit l’attaque de nos lignes sur un front de 600 mètres. Nos feux, déclenchés avec violence et précision, ont arrêté net cette tentative. Les assaillants, fortement éprouvés, sont immédiatement rentrés dans leurs tranchées de départ.

Au nord du chemin des Dames, l’activité des deux artilleries se maintient très vive sur le front, au sud de Filain.

En Haute-Alsace, un coup de main ennemi, à l’ouest de Bisel, a été aisément repoussé.

Les troupes britanniques ont attaqué les positions allemandes de la crête Messines-Wytschaete, sur un front de plus de 15 kilomètres. Elles ont enlevé partout les premiers objectifs ; elles continuent à progresser sur tout le front.

De très nombreux prisonniers ont été annoncés dans les centres de rassemblement.

Les Italiens ont encore maîtrisé une succession d’assauts autrichiens sur le front du Carso.

Un sous-marin allemand a été coulé par un navire de commerce américain.

La situation est devenue très critique en Espagne.

Source : La Grande Guerre au jour le jour