Louis Guédet
Jeudi 22 mars 1917
922ème et 920ème jours de bataille et de bombardement
6h35 soir Temps gris maussade le matin, avec des papillons de neige, il fait vraiment froid. Le temps s’élève vers midi, et devient réellement beau. La nuit avait été calme, et c’était la première fois depuis près de 8 jours que j’ai dormi sans être en éveil.
Je me lève assez tôt pour finir quelques lettres avant midi. A 11h je vais à l’Hôpital Général où j’avais rendez-vous avec Guichard, vice-Président, et Gustave Houlon, membre de la Commission, pour parler d’une difficulté soulevée par la propriétaire, au sujet d’un bail d’un hôtel à Monnetier-Mornex (Haute-Savoie), loué par les Hospices de Reims pour y loger leurs pensionnaires de la Maison de Retraite. Question d’interprétation de la clause de prix progressif, avec ristourne du loyer. J’en ai conclu que les Hospices devaient payer, la clause, pour une raison qu’il ignore, n’étant pas rédigée comme cela avait été convenu lors de la signature de tous les baux similaires conclus en même temps. Ces messieurs étaient de mon avis du reste. C’est 1 000 F environ que les Hospices perdent à la suite de l’étourderie du rédacteur, qui était Pétiot, ancien notaire à Châlons-sur-Marne, représentant le Ministère de l’Intérieur, qui est du reste d’une légèreté inconcevable. Cela ne m’a donc nullement surpris de lui. J’en avais prévenu Houlon à cette époque-là en lui recommandant de se méfier du citoyen.
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Lettre de Narcisse Thomas qui me dit avoir été fort souffrant d’une congestion pulmonaire, il y est sujet. Heureusement que ma lettre pour Bossu et mon ruban s’est croisée avec la sienne, 24 heures plus tard, certainement je n’aurais pu lui écrire ce que je lui demandais. J’ai fini toutes mes lettres, chose rare !
A 4h1/2 bataille vers St Brice qui ne cesse pas encore, on ne s’entend pas.
8h soir Enfin voilà cette canonnade infernale terminée. 4h durant. On est assourdi et les nerfs sont exaspérés, mais quelle canonnade. Durant ce temps nos voisins nous envoyaient des bombes. Heureusement pas dans notre quartier, mais quel vacarme. En dînant je m’attendais à chaque instant à être obligé de descendre à la cave, et j’étais d’autant plus inquiet que le tintamarre de la bataille et de la canonnade m’empêchait d’entendre les sifflements des obus qui arrivaient et qui m’auraient permis de savoir où ils allaient et d’où ils venaient. Il me fallait me baser sur les éclatements. Au milieu de tout ce bruit, allez donc vous y reconnaitre !! Bref, j’ai plutôt mal mangé, et…
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8h1/4 Le silence absolu ! C’est lugubre, mais on respire mieux tout de même. Allons-nous être tranquille et pouvoir dormir cette nuit ! Par quels étranges sensations aurais-je passé, passons-nous ? La vieille Lise en est malade. Adèle, elle ? elle grogne !! moi, je tâche de dompter mes nerfs ! Depuis le temps je ne devrais plus en avoir cependant !! à force d’avoir été brisés… broyés… tendus, cassés, distendus, tordus, pilés.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
22 mars 1917 – Une canonnade commence à 16 h ; elle prend très vite une grande intensité. Le bruit effrayant au milieu duquel se distinguent encore les fortes explosions des torpilles, se continue sans interruption jusqu’à 20 h.
Le communiqué nous apprend, par la suite, que les Allemands avaient déclenché une attaque au nord-ouest de Reims. Cette attaque s’est produite vers la Neuvillette et les Cavaliers de Courcy, partie de secteur tenue par les troupes russes.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Jeudi 22 – 0° ; quelques flocons de neige. Visite aux Trois Fontaines. Aux Sœurs de Saint-Thierry. A 4 h. 1/2, canons français ; bombes allemandes. On dit que Bazancourt et Fismes(1) sont en feu ?? De 4 h. 1/2 à 8 h., attaque allemande aux Cavaliers de Courcy(2) ; défense française. A 8 h., silence des deux côtés.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
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Fismes ne sera profondément détruit qu’en 1918 à la seconde bataille de la Marne
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Les « Cavaliers de Courcy » étaient le nom porté par deux levées de terre artificielles qui bordaient le canal de l’Aisne à la Marne, de part et d’autre, entre La Neuvillette et Courcy. Cette zone fut l’enjeu d’âpres combats pendant toute la guerre (le canal était un véritable cloaque bien qu’il ne fût plus en eau)
Jeudi 22 mars
Au nord de Ham, la situation est sans changement. Nos éléments légers restent au contact de l’ennemi entre Roupy et Saint-Quentin.
A l’est de Ham, nous avons forcé en deux endroits le canal de la Somme, malgré une vive résistance des Allemands. L’opération, conduite avec vigueur, nous a permis de dégager les rives nord et est du canal et de refouler l’ennemi jusqu’aux lisières de Clastres et de Montescourt. Des inondations sont tendues par l’ennemi dans cette région.
La plupart des villages en avant de nos lignes, dans la région de Saint-Quentin, sont en flammes. Nous avons progressé au nord de Tergnier. Quelques escarmouches dans la vallée de L’Aillette. L’ennemi bombarde nos lignes.
Au nord de Soissons, nous avons réalisé de sérieux progrès et livré des engagements assez vifs. La plupart des villages conquis sont entièrement détruits.
A l’est de la Meuse, plusieurs tentatives ennemies sur la tranchée de Calonne ont échoué.
Les Anglais ont occupé 40 nouveaux villages.
Le président Wilson a décidé de convoquer le Congrès américain pour le 2 avril.
Une tentative de meurtre a été commise par un officier contre le ministre de la Justice russe, M. Kerensky.
Source : La Grande Guerre au jour le jour