Louis Guédet

Mardi 13 février 1917

885ème et 883ème jours de bataille et de bombardement

6h1/2 soir  Temps toujours très froid, brume, soleil malade s’élevant un peu l’après-midi. Le ciel s’éclaircit. Toute la journée du canon, mais depuis 5h ce soir c’est une tempête, un roulement de tonnerre formidable, on ne s’entend plus. Toutes nos batteries tonnent. C’est effrayant, on dirait le roulement de 100 express lancés à toute vapeur, qui grondent, heurtent, choquent. Il parait que c’est un coup de main vers le Linguet pour avoir des prisonniers. Avec cette débauche de mitraille, la livre d’allemand pris reviendra chère. Pourvu que nous, pauvre civils, nous ne payons pas cela cette nuit ou demain !! Cette pensée nous angoisse et nous obsède toujours chaque fois que nous arrosons leurs tranchées. Cette attente est pénible.

Ce matin un conseil de famille pour des clients de Cormontreuil, Louis Vuattier, tué au mois de juillet dernier (Paul Louis Vuattier, caporal au 23ème RIC, tué le 30 juillet 1916 à Flaucourt (80)), une jeune femme et une enfant de 2 ans1/2 qui n’aura pas connu son père. Après-midi fait des courses. Vu Monsieur et Mme Becker qui très gentiment avait demandé à Jean de venir les voir quand ils étaient chez Mme Bayle leur fille à Fontainebleau, mais mon Grand n’était pas libre. Là j’ai vu aussi Madame Camuset (Marie-Héloïse Becker, épouse Camuset), l’abbé son fils et Melle Becker. Causé longuement avec eux. Mmes Becker et Camuset sont toujours très bonnes et très affectueuses pour moi. Rentré ensuite, juste au moment où la…  « danse » a commencée et jusqu’à présent.

6h40  Silence complet, ce n’est pas dommage puisqu’en 2 heures de cette sérénade on en a la tête cassée. On n’entend plus les coups, mais rien qu’un roulement. Écrit quelques lettres que je tardais à écrire par lassitude, fatigue. Je suis comme sans force, sans courage, et n’ai de goût à rien.

8h20  Le calme absolu. Quelques rares coups de canon. Et nos pauvres blessés qui sont là, à quelques cent mètres de nous, qui souffrent sur le champ de bataille du froid…  Cela fait mal d’y songer…  Écrit quelques lettres…  sans conviction, sans courage, j’alignais des mots. Je n’en n’ai plus qu’une à écrire pour être à jour avec mes correspondants et correspondantes…  et que leur écrire ?? Toujours la même chose, notre vie est si monotone, si triste et si uniforme, et par ce froid écrire est une souffrance physique, ajoutée à la souffrance morale qui me torture depuis 30 mois…  Souffrir, toujours souffrir.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

13 février 1917 – Démonstration formidable de notre artillerie, pour la préparation d’un coup de main « au Mamelon ». La mission de faire des prisonniers a été confiée à 71 volontaires du 293e, devant sortir des tranchées à 17 h 35, sous le commandement du Capitaine C…

Commencé à 11 h 1/2, le vacarme des pièces de tous calibres se ralentit seulement un peu avant 20 heures, puis il recommence pour toute la nuit. Ce ne sont que détonations des départs et bruit des explosions d’arrivées, car les éclatements s’entendent fort bien, sur les tranchées allemandes, du côté du Linguet.

Au cours de l’opération qui, paraît-il a parfaitement réussi, nos hommes ont fait 23 prisonniers, dont deux sous-officiers. Nos pertes seraient de quatre tués et six blessés, par un coup de 75 trop court.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Mardi 13 – – 8°. Nuit tranquille. Pas dit la Messe. Dans l’après-midi, préparation d’artillerie de notre côté, pour prendre un point auquel on tient : Linguet ou voisinage, jusqu’à 6 h. L’attaque a dû avoir lieu vers 4 h. 1/2. Ensuite, duel d’artillerie entre batteries adverses. Bombes sifflantes sur nos batteries, on a fait 23 prisonniers. Il y a eu 100 tués, dit le Docteur d’Herbigny. La lutte d’artillerie a duré depuis 11 h. avant midi jusqu’à 2 h. après minuit, intense toute l’après-midi, de 8 à 2 h. extrêmement violente. 3 ou 4 bombes sur l’église Saint-André, plusieurs travées de voûtes, écroulées ; au-dessus de la chaire on voit le ciel. Dégâts considérables.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Saint-Andre


Mardi 13 février

Activité intermittente des deux artilleries dans la région de Bezangis (Lorraine), et dans quelques secteurs des Vosges.

Sur le front belge, activité de patrouilles dans la région de la Maison-du-Passeur. Vers Hetsas, lutte à coups de bombes et de grenades. Activité moyenne de l’artillerie en divers points. Les Anglais ont réalisé de nouveaux progrès au nord de l’Ancre, vers la route de Beaumont à Puisieux. A la suite d’une petite opération exécutée sur un front restreint, ils ont occupé sans difficulté 600 mètres de tranchées et fait un certain nombre de prisonniers.

L’ennemi a attaqué les nouvelles positions britanniques au sud de Serre. Pris sous des tirs de barrage et des feux de mitrailleuses, il a été aisément rejeté.

Les patrouilles anglaises ont pénétré en un certain nombre de points dans les lignes ennemies. Un détachement a fait exploser un dépôt de munitions au sud-est d’Armentières et ramené des prisonniers. Un détachement ennemi qui se concentrait au nord-est de Neuville-Saint-Vaast a été dispersé par des tirs d’artillerie. Des bombardements ont été exécutés avec succès au nord de la Somme, ainsi que vers Armentières et Ypres.

Les éclaireurs russes, dans la région de Borowoymlyn (nord-est de Smorgon) ont attaqué les avant-postes ennemis et pris une mitrailleuse. Une attaque allemande a été repoussée près de Kiaselin; une autre au sud de Halicz, sur le Dniester. Nouveaux succès britanniques près de Kut-el-Amara, en Mésopotamie.

Source : La Grande Guerre au jour le jour