Louis Guédet

Mercredi 14 février 1917

886ème et 884ème jours de bataille et de bombardement

8h1/4 soir  Toujours des températures aussi rigoureuses, mais avec propension au dégel. A 11h du soir la nuit dernière la bataille recommence la « bacchanale » de la soirée, et à 2h la danse commence sur la ville. Les représailles obligatoires, sifflements, éclatements, tonitruances, etc…  Il fait un froid terrible. J’ouvre un œil, puis 2, car le bruit de ferraille se corse, et il faut être prêt à toute éventualité et aux aguets…  je somnole…  réveillé par un sifflement ou un éclatement trop indiscret, bref je me rendors vers 4h1/2…

Je vais à 9h aux allocations militaires à l’Hôtel de Ville, et là j’apprends que le boulevard Lundy, la maison de Mme Boisseau (au numéro 18), M. Walbaum, rue de Bétheny Georget, Rozey ou proche, ont été pas mal flagellés, on compte 144 bombes lancées sur la Ville pour la punir de l’attaque des nôtres vers le Linguet, où avec cette débauche de projectiles amis et ennemis on a capturé 18 prisonniers !!…  Je ne confierai jamais nos finances à nos illustres galonnards des États-majors qui nous gouvernent ici, car la livre de prisonniers boches à cette profusion de projectiles dépensés reviendrait chère !! Et demain les communiqués vanteront nos succès devant Reims !!…  mais surtout se taisent sur les nouvelles ruines accumulées !! mais nous sommes si peu intéressants !! Témoins les affiches apposées ces jours-ci où on nous menace d’expulsion si dans notre correspondance nous révélons les secrets des opérations militaires à Reims ou dans les environs !!  Du reste nos galonnards sont très inquiets de cette loi interdisant les pâtisseries les mardis et mercredis. Aussi ont-ils demandé à Madame Degermann s’ils pourraient cependant boire un léger verre de Malaga à défaut de petits gâteaux !! Bref, j’ai répondu à la susdite Madame Degermann que si on donnait procès je condamnerais, car dans la coulisse une assiette de gâteaux serait probablement dissimulée…  Donc…

Mais une autre bien bonne qui a énormément amusé Grandremy (Paul Grandremy (1862-1938)), du Courrier de la Champagne, à qui je la faisais remarquer cet après-midi en causant justement de la réflexion casuiste de Mme Degermann. C’était l’affiche à la main apposée sur la devanture rigidement fermée du pâtissier Olza, rue de Vesle, en face du Théâtre :

Mardi et Mercredi fermeture   (!!!)
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Pour les renseignements on peut entrer   (!!!)
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Que dites-vous de celle-là ??…  Oui nous sommes fermés, mais vous pouvez entrer tout de même !! et on vous trouvera des petits gâteaux !!

C’est la réflexion que je m’étais faite ce matin à 9h en allant à l’Hôtel de Ville, quand justement je voyais s’engouffrer (après avoir exploré du regard les environs pour voir s’il y avait un gendarme ou un agent de police qui le regardait) un vieux Monsieur qui…  venait…  demander des…  renseignements !! On sait ce que parler veut dire.

Eh bien Messieurs les Pâtissiers…  ne venez jamais devant ma barre, car votre juge de Paix sera impitoyable pour vous, puisqu’il ne pourra sévir contre les consommateurs (erreur de la loi qui aurait dû également sévir des mêmes pénalités contre ceux-ci !), et « vous n’y couperez pas », au maximum à la première contravention, et en cas de récidive la Prison !…  comme c’est mon droit et mon devoir.

Été faire 1, rue de Contrai une sommation respectueuse (??) (consentement parental pour le mariage des enfants du moins de 25 ans, loi abolie en 1933) pour un mariage par procuration, reçu un seau d’eau et injures à la clef !! En voilà encore une institution due à nos Gouvernements idiots, ces mariages par procuration, ou mariages à terme… comme les essais de 3/6/9… années ( ?) Oh ! non, mois seulement et si ce n’est pas en semaines !!

Ce soir en rentrant écrit pas mal de lettres, de Vroïl, Schoen, Schulz, Duval, etc…  etc…

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

14 février 1917 – Le communiqué de ce jour, nous apprend que l’artillerie aurait envoyé hier, environ vingt mille projectiles, pour l’exécution du coup de main devant Reims.

Cela faisait du bruit, en effet. Oui, pour un tintamarre, c’était un beau tintamarre.

Au bureau, une réflexion drôle de Guérin, nous fait rire, car il ne manque pas cette occasion de blaguer, à propos des vingt-trois prisonniers, en exprimant gravement l’avis que, dans ces conditions, « le Boche sur pied » doit revenir cher, la livre.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Mercredi 14 – Nuit extraordinairement agitée. Violents combats surtout jusqu’à 2 h. On dit qu’il y aurait eu 100 Allemands tués ; 23 prisonniers. Église Saint-André très endommagée. Commence la Messe sans avoir besoin de bougies. – 4° de froid.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Saint-André


Mercredi 14 février

Canonnade entre Oise et Aisne. Une forte patrouille allemande, dispersée par notre feu, a subi des pertes dans le secteur d’Aspach (Alsace).

Les Anglais ont rejeté un raid au sud de Pys. Au cours d’un coup de main opéré avec succès à l’est de Souchez, nos alliés se sont avancés de plusieurs centaines de mètres dans les lignes allemandes. Les défenses ennemies ont subi d’importants dégâts. Deux détachements anglais ont également pénétré dans les tranchées allemandes au nord-est de Neuville-Saint-Vaast, au nord de Loos et à l’est d’Ypres.

La situation des Turcs est devenue très critique à Kut-el-Amara.

Les opérations sont devenues plus actives en Macédoine, spécialement sur la Strouma et dans la région de Dorian.

Wilson a déjoué une dernière tentative du chancelier. Celui-ci essayait d’une suprême négociation : M. Wilson a demandé qu’avant tout, les dernières instructions données aux sous-marins fussent retirées.

Source : La Grande Guerre au jour le jour