Louis Guédet
Lundi 29 janvier 1917
870ème et 868ème jours de bataille et de bombardement
6h soir Toujours un froid terrible avec une brise cinglante, mais un soleil merveilleux. Moins de canon qu’hier. Entendu siffler 2 obus. Ce matin mon vieil expéditionnaire est venu, il a encore la tête bandée, il s’était donné une vraie tape !! Travaillé le matin, pas sorti, un agent m’a remis 11 280 F d’or trouvé chez une vieille femme 82, rue de Strasbourg, dans un vieux fourneau ! J’ai immédiatement converti cet or en billets qui ont été versés à la Caisse des dépôts et consignations. Il parait qu’il doit y avoir encore de l’argent caché chez elle. J’ai envoyé mon greffier perquisitionner et apposer les scellés. Après-midi inventaire rue du Jard avec levée de scellés chez un vieux client, mais on n’a pas pu faire la prisée du mobilier et levée les scellés, Landréat était parti avec les clefs des autres scellés pour voir à sa vieille avare de la rue de Strasbourg !! Bref on lèvera les derniers scellés samedi. Que de temps perdu avec ces étourderies !!
Rentré chez moi vers 4h, puis sorti faire une course ou 2. Vu M. Lorin, qui a reçu 2 ou 3 obus près de son immeuble rue de Bétheny (rue Camille-Lenoir depuis 1932). M. Charles Demaison qui couchait en face dans le cellier de M. Lanson a eu un obus qui est tombé juste près de l’écran au-dessous duquel il a son lit. Il parait qu’il a eu une vraie frayeur !! Il y avait de quoi !! Heureusement pas d’accident. Rentré travailler. Quelques avions dans le ciel, reçu la visite de 2 ou 3 croquants qui viennent me voir pour tâcher de me « tirer les vers du nez » pour des procès qu’ils ont pendant devant ma barre ! Ils en sont pour leurs frais. « Devant juger, je ne puis rien vous dire et encore moins vous écouter !… » – « Vous vous expliquerez à l’audience ! » Çà les musèle du coup… Je suis toujours aussi « délabré », surtout quand je songe à tous mes aimés dont je suis séparé et qui doivent souffrir par ce froid ! C’est dur, pénible, torturant !…
On critique beaucoup le Maire d’avoir consenti à être témoin à décharge dans l’affaire Goulden ! Je crois qu’il aurait mieux fait de s’abstenir et laisser son adjoint déposer seul. Lui comme 1er magistrat de la Ville il aurait dû se tenir au-dessus de cela. Son excuse était toute trouvée : « Comme Maire je n’ai pas à intervenir dans cette affaire plutôt… délicate ! » Il doit s’en mordre les doigts, car le Président du Conseil de Guerre le Colonel Gille s’est plutôt conduit comme un soudard envers lui. Le contraire m’aurait étonné du reste. Reims et ses habitants sont si peu intéressants ! C’est surtout dans le peuple que la critique est plus acerbe. « Si c’avait été un pauvre ouvrier comme nous, il ne se serait pas dérangé, mais c’était « Borgeois ». Alors !! » « Vox populi, vox Dei ! » dit-on !
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
29-30 janvier 1917 – Tirs de l’artillerie. – Les journaux annoncent qu’il y a lieu de se faire inscrire dans les commissariats, pour l’établissement des cartes de sucre.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Lundi 29 – Duel violent, bombes jusque vers 10 h. Reste de la matinée tranquille sauf quelques mitraillades. – 9°. Matinée de soleil, duel d’artillerie adverse, bombes sifflantes.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Lundi 29 janvier
Sur la rive gauche de la Meuse, combats à la grenade vers l’est de la cote 304. Sur la rive droite, nous avons effectué entre les Eparges et la tranchée de Calonne, un coup de main qui a pleinement réussi. Nous avons trouvé de nombreux cadavres dans les tranchées ennemies et ramené un important butin.
En Lorraine, action d’artillerie dans le secteur de la forêt de Bezange.
Dans la région de Moulainville, un avion allemand a été abattu par le tir de nos canons spéciaux.
Sur le front belge, vives actions d’artillerie vers Ramscapelle, Dixmude et Hetsas. Dans ce dernier secteur, lutte à coups de bombes.
Les Allemands ont attaqué les Russes à l’ouest de Riga. Ils ont été rejetés et ont dû refluer en désordre. Une nouvelle attaque de leur part a été également repoussée. Une autre offensive près de Kaltcen a été brisée.
Au sud de Brody, l’ennemi s’est jeté sur les avant-postes de nos alliés, mais il a dû rétrograder vers ses retranchements. Il a subi encore un échec au nord de Kirlibaba.
Les Russes, à leur tour, ont pris l’offensive des deux côtés de la chaussée Kimpolung-Jacobeni, est après un combat acharné, ils ont refoulé les lignes austro-allemandes de trois verstes. Ils ont fait des prisonniers.
La division grecque de Corfou a été envoyée en Morée.
Source : La Grande Guerre au jour le jour