Louis Guédet

3 octobre 1916 (retranscription de l’orignal, voire plus loin)

Vu le Président Hù pour les réquisitions militaires. Le Procureur Général demandant qu’on lui indiquât le nombre de dossiers déjà jugés. Il y en a juste 405 depuis que j’ai réorganisé le service, le nombre restant à la Mairie est de 34 dossiers, et celui qui est à la commission de révision de Châlons 12 000. J’ai dit que j’étais à jour. Cela a paru lui faire plaisir de pouvoir dire cela à Herbaux. Nous avons parlé du transfert du Tribunal à Épernay qui aura lieu à la fin du mois probablement.

Je reste seul juge ici ; ce n’est pas banal. J’ai causé avec Bouvier Vice-président et Texier et qui sont réellement charmants pour moi.

A 1h1/4 suis allé au Palais pour mon audience de simple police, où il y avait foule et cohue. J’ai rendu les jugements que j’ai voulus, et mes attendus ont soulevé un murmure d’approbation.

Reprise de la rédaction par Louis Guédet.

…C’est vraiment fort aimable. Tous, je le crois, m’aiment et m’estiment. Le Président me retient pour me causer de « je ne sais quoi »…  mais l’audience traîne et vers 4h je lui demande la permission de m’en aller. Je dois aller le voir demain pour ce qu’il a à me dire (8h soir)

Avant l’audience je me suis trouvé avec le Procureur de la République de Bar-sur-Aube, M. Chonez, qui fait partie d’un conseil de Guerre divisionnaire comme sergent rapporteur, actuellement à Ventelay. Nous avons lié très gentiment connaissance et avons causé de Bar-sur-Aube et du vieux curé de St Maclou qui est encore existant. Il y a 22 ou 23 ans j’étais chez lui avec le P. Jenner, je lui ai rappelé la lutte des Pierrotins contre les Macloutins (St Pierre et St Maclou, les 2 paroisses ennemies). C’est lui qui a remplacé Thiénot fils quand il est parti à Verdun. Il m’a appris que Mandron, comme automobiliste, était attaché à leur Division, et qu’il a demandé à permuter pour aller dans l’État-major d’un Corps d’Armée !

Rentré par une pluie battante. J’ai mis au net et au point mon dossier de simple police pour demain, et mes considérants. Je suis, je crois, prêt et paré. Fatigué triste, sans nouvelles de mes aimés. C’est dur. Pourrais-je résister à la douleur, à la tristesse d’un 3ème hiver passé seul, tout seul

 Mardi 3 octobre 1916

752ème et 750ème jours de bataille et de bombardement

6h3/4 soir  Pluie battante toute la nuit, temps gris lourd toute la journée. Fais courses le matin, vu le Président Hù à 10h1/2 pour les réquisitions militaires. Le Procureur Général demandait qu’on lui indiquât le nombre de dossiers déjà jugés. Il y en a juste 405 depuis que j’ai réorganisé le service, le nombre restant à la Mairie : 34 dossiers, et celui qui est à la commission de révision à Châlons : 12 000…  et plus même. J’ai dit que j’étais à jour, çà a paru lui faire plaisir de pouvoir dire cela à Herbaux. Nous avons parlé du transfert du Tribunal à Épernay qui aura lieu fin du mois probablement. Ils ont parlé de moi, mais je leur ai répondu que cela ne faisait pas de doutes que je devais rester à Reims, attendu que je ne puis forcer les justiciables à venir de Reims à Épernay. Pour les autres cantons cela se concevait mieux à cause des difficultés que l’on a pour entrer à Reims. C’est ce qu’il va répondre au Procureur Général. Je resterai donc seul juge ici. Ce n’est pas banal. J’ai causé également avec Bouvier, Vice-président et Texier qui sont réellement charmants pour moi. Le Président écoute beaucoup de Bouvier, tout en protestant.

Rentré chez moi à 11h1/2, déjeuné rapidement, vu à mon courrier et couru au Palais à 1h1/4 pour mon audience de simple police où il y avait foule et cohue. J’ai rendu les jugements que j’ai voulus et mes attendus ont subi un murmure d’approbation générale.

Mais franchement la mentalité du gendarme est extraordinaire. Ainsi Péroni (à vérifier), qui avait fait les procès Hentz et Simon. Celui du Docteur Simon pouvait encore se soutenir parce qu’il était près de Tinqueux sans laissez-passer, et que ce n’est qu’une tolérance si on permet d’aller jusqu’aux portes des villages ; mais quand à celui de Hentz, fait sur Reims même, il ne pouvait être fait puisque la contravention n’avait pas été encore commise. Il n’a jamais voulu en démordre, le fait qu’il était encore sur Reims Hentz. « Mais il m’a dit qu’il allait à Cormontreuil, bien qu’il soit encore à 1 kilomètre de la limite du territoire, je devais faire mon procès-verbal quand même, mon poste faisant la limite justicière ». C’est idiot, impossible de le convaincre, je n’ai pas insisté. Quelles brutes cela fait. Son collègue Noël avait compris.

Bref, rentré à 6h1/2 éreinté et nous verrons demain ce que dirons les journalistes dans les journaux, et ensuite la tête de Girardot et de Colas. Ils vont être furieux.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Mardi 3 – Nuit tranquille ; projections. Pluie presque toute la nuit. + 10°. A 9 h. canons français tirent 5 coups rapides. Visite du Colonel Cadet. A M. Georges Houlon, à la Supérieure de l’Assomption, à M. Prévoteau. Reçu visite du Comte de Bruc.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mardi 3 octobre

Nous avons réalisé des progrès à la grenade à l’est de Bouchavesnes. Une quarantaine de prisonniers et 6 mitrailleuses sont restés entre nos mains. Un détachement allemand pris sous notre feu vers l’Epine de Malassise s’est dispersé en laissant une cinquantaine d’hommes sur le terrain.
Au sud de la Somme, une petite attaque allemande a été repoussée près de Vermando-Villers.
Les Anglais, après avoir pris Eaucourt-l’Abbaye, au sud de l’Ancre, ont consolidé leurs positions. Ils se sont étendus dans la direction de la tranchée de Hesse. Ils ont exécuté des coups de main heureux au nord de Neuville-Saint-Vaast et à l’est de Laventie.
Sur le front d’Orient, les Serbes ont gagné 2 kilomètres au nord du Kajmackalan.
Canonnade intermittente à notre aile gauche.
Le quarantième raid de zeppelins a eu lieu près de Londres. Un dirigeable a été abattu.
Les Roumains ont battu Mackensen en Dobroudja et franchi le Danube près de Routschouk.
Les Russes ont fait 1600 prisonniers sur la Zlota-Lipa.
Le gouvernement provisoire de la Canée s’est adjoint le général Danglis et a décidé de convoquer l’avant-dernière chambre grecque.

Source : La Grande Guerre au jour le jour


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