Louis Guedet
Mercredi 20 septembre 1916
739ème et 737ème jours de bataille et de bombardement
7h soir Temps de pluie maussade. Un peu de canon hier soir (10 minutes) Allocations militaires ce matin. Rien de saillant. Quelques demandes absurdes comme toujours. Vu au commissariat central mes procès en simple police pour examiner 2 cas d’arbitraire et de force brutale des Gendarmes de la Prévôté qui recommencent sans doute à vouloir nous molester… Un cocher (Hentz) conduisant une femme et ses enfants à Cormontreuil est arrêté par un Gendarme de la Prévôté, rue Ledru-Rollin, devant l’église Sainte-Clotilde. Il demande leurs passeports à la femme et au cocher ; ce dernier dit qu’il va bien conduire sa cliente à Cormontreuil, mais qu’il n’a pas de laissez-passer pour aller à cette localité. Devant l’observation du Gendarme qui prétend (étant encore sur le territoire de Reims) qu’il est en contravention et qu’il lui dresse un procès-verbal (sur Reims, et non sur Cormontreuil) ! Le cocher débarque sa cliente et retourne en Ville ! Ainsi voilà un gendarme qui a fait un procès à un homme qui se disposait à commettre une infraction (soit), mais ne l’a pas perpétrée ! Ce serait grotesque si ce n’était odieux.
Même aventure est arrivée au Docteur Simon qui, appelé à Tinqueux pour un cas urgent de malade, est arrêté au Pont de Muire par le même gendarme qui lui demande son laissez-passer. Le Docteur lui répond qu’appelé d’urgence pour sa profession, il n’a pas eu le temps de faire renouveler son passeport expiré de la veille. Sur l’observation du gendarme il déclare retourner chez lui et renoncer à secourir sa malade. Le Gendarme dresse quand même un procès-verbal « pour usage de laissez-passer périmé !! » Où et quand !! et il a la naïveté de consigner dans son procès la déclaration du Docteur Simon qu’il renonce à aller à Tinqueux !
Pour ces brutes les intensions sont prises pour des faits accomplis !!! C’est honteux. J’ai déclaré au Commissariat Central que s’il n’obtenait pas une sanction du major de la Place contre de tels abus provoqués par les Capitaines de Gendarmerie Girardot et Théobald, j’en réfèrerais au Ministère de la Guerre. Il faut que cela finisse.
Que ces brutes aillent dans les tranchées, cela vaudrait mieux !… et qu’ils laissent la Paix à notre malheureuse population.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Mercredi 20 – + 7°. Nuit tranquille. Allocution à la Messe des soldats du 403e (1), Chapelle de l’École Professionnelle S.J.B. de la Salle. Visite de M. l’abbé Saunier. Visite de M. de Gailhard Baucel et du Colonel de Halgouet.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
(1) Les régiments d’Infanterie de la série des « 400 » sont des régiments créés pendant la guerre et qui n’eurent qu’une existence éphémère
Mercredi 20 septembre
Le mauvais temps a gêné les opérations sur la plus grande partie du front de la Somme. Rien à signaler en dehors d’une assez grande activité d’artillerie sur les deux rives de la Somme et sur la rive droite de la Meuse, dans le secteur Fleury-Vaux-Chapitre.
Sur le front belge, grande activité d’artillerie. Les pièces belges ont pris violemment à partie les pièces de l’adversaire.
Sur le front britannique, la situation générale est demeurée sans changement. Activité d’artillerie au sud de l’Ancre. Une attaque allemande sur les tranchées à l’est de Martinpuich a été aisément repoussée. Un ballon allemand a été abattu à l’est de Ransart. Un dépôt de munitions allemand a explosé sous le feu anglais.
Les Russes livrent d’âpres combats sur la Zlota-Lipa.
Les Roumains ont dû reculer quelque peu devant des forces supérieures dans la vallée du Strechu (Transylvanie). Ils ont refoulé, dans la Dobroudja, deux attaques des troupes de Mackensen.
La progression franco-russo-anglo-italo-serbe s’accentue sur le front de Macédoine.
La garnison de Volo s’est révoltée et a opté pour le comité de défense nationale de Salonique.
Combats d’artillerie sur tout le front italien.
Source : La Grande Guerre au jour le jour