Louis Guédet

Jeudi 30 mars 1916

565ème et 563ème jours de bataille et de bombardement

6h soir  Le calme et beau temps. Vu à mon passeport pour aller à Fismes le 10. J’espère qu’il me sera accordé, mais avec ces galonnards !!! Ce que je les ai sur le cœur !! Un exemple à 11h. Tandis que j’étais occupé, un galonné sergent entre carrément dans la maison et va aux remises à autos où j’ai mon pauvre mobilier abrité là. « Cela convient parfaitement, mon commandant pourra très bien mettre ses 2 chevaux et sa voiture » – « Je reviendrai avec lui cet après-midi… » – « Il faut mettre tous ces meubles dehors autre part !!! » Et voilà. Je bondissais quand on me dit cela. Été à la Ville pour protester contre cette désinvolture, vu le sous-intendant Bassin avec qui j’avais audience à 2h. Il était outré…  et il m’a dit de me refuser à semblable conduite et invasion, étant notaire et juge de Paix gardien de documents, etc…  et que si le galonné persistait que j’écrive carrément au Ministère de la Guerre et au Général Commandant les Armées. J’étais vraiment bouleversé !! Quand je suis rentré personne n’était venu. Heureusement. Je ne sais ce que j’aurais fait. Je suis à bout. Je le sens. Je vais tomber. Je pleure à la moindre pensée des miens, d’un ennui, etc…  je tombe… Je meurs. Mon Dieu tant mieux !! puisqu’il n’y a pas de justice pour m’aider, me soutenir, m’accompagner…

Il faut mieux (rayé). Je ne puis aller jusqu’au bout. C’est dur (rayé), car (rayé) ainsi que (rayé). Non, il (rayé)

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

30 mars 1916 – Nouvelles lues dans Le Courrier:

Une saisie.

le commissaire de police du 19′ canton s’est présenté hier à huit heures et demie dans nos bureaux, pour se faire délivrer, sans bourse délier, les numéros du Courrier de ce jour. Un certain nombre de nos porteuses ont été également priées de céder gratuitement les exemplaires qu’elles n’avaient pas encore vendus.

 Au total, une trentaine de numéros ont été saisis. Nous ignorons le genre de mort qui leur est réservé.

La visite des Grands Chefs Alliés

Hier, dans l’après-midi, le général Cadorna, Généralissime de l’armée italienne et le général Joffre, Généralissime de l’armée française, sont venus visiter Reims. Ils étaient accompagnés par le général commandant la ?e armée.

 Les hauts personnages militaires se sont rendus à la cathédrale, à l’intérieur de laquelle ils sont entrés. On les a conduits ensuite à l’archevêché dont ils ont parcouru les ruines.

 Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

 


Cardinal Luçon

 Jeudi 30 – Nuit tranquille, sauf gros coups de canon ou bombes à plusieurs reprises 11 h. 1/2, 3 h. nuit. Aéroplane français à 10 h. matin. Température 0 ; ciel sans nuage, chaud. Aéroplane allemand toute l’après-midi. Tir acharné contre lui, inutilement. Visite à St-Joseph collège, et rue de Venise.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Juliette Breyer

Jeudi 30 Mars 1916 – C’était aujourd’hui l’enterrement. Cette triste cérémonie s’est passée sans incident. Une dizaine de personnes y assistaient. Que veux-tu, personne n’ose sortir. La veille, un enterrement avait été surpris par un bombardement ; on a été forcé de porter le corps dans une maison ; les personnes se sont mises à l’abri et le cheval du corbillard ayant eu peur s’est emballé. Ton parrain a pu avoir une permission. Quand tu reviendras, tu le trouveras vieilli aussi. Il est tout gris. J’avais acheté une petite gerbe en grains. Pauvre mémère, elle est quitte de bien des choses.

Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)

Il est possible de commander le livre en ligne


Alfred Wolff

Chasse aux aéros Boches, il est 12h34, ils se perdent dans les nuages qui répercutent le
tac-tac des mitrailleuses. On nous promet une guerre de l’air, je le crois, ce sont des préludes.
Rencontre Espick (Esprit).

Du 3 septembre 1914 au 20 décembre 1916, Alfred Wolff, maître-tailleur spécialisé dans l'habillement militaire, raconte son parcours et ses journées en tant qu'agent auxiliaire de la police municipale. Affecté au commissariat du 2ème arrondissement (Cérès), il se retrouve planton-cycliste et auxiliaire au secrétariat. Il quitte Reims le 25 octobre 1914 pour Chatelaudren (Côtes du Nord), mais reprend son service à Reims le 6 novembre 1915.

Source : Archives Municipales et Communautaires de la Ville de Reims


Jeudi 30 mars

En Argonne, nous avons bombardé les organisations allemandes au nord de la Haute-Chevauchée les lisières sud du bois de Cheppy. Un combat à la grenade nous a permis de progresser notablement dans les boyaux ennemis au nord d’Avocourt et de faire des prisonniers. Après une intense préparation d’artillerie, nos troupes ont enlevé la corne sud-est du bois d’Avocourt; elles ont pris 3oo mètres environ de ce bois en profondeur, ainsi que l’ouvrage réduit d’Avocourt. Toutes les contre-attaques déclenchées par l’ennemi ont échoué, en lui laissant de fortes pertes. Nous avons capturé des prisonniers. Au cours d’une attaque à gros effectifs dirigée sur le village de Malancourt, les Allemands ont pris pied dans un ouvrage avancé et dans deux maisons du village. Leurs tentatives pour pousser plus loin ont été enrayées par nos feux. Le bombardement a d’ailleurs continué sur tout le front d’Avocourt à Béthincourt. Dans les Vosges, nous canonnons les organisations allemandes de Stosswihr et de Munster. Les Allemands ont attaqué vainement nos lignes de Macédoine. Six avions qu’ils ont dépêchés au-dessus de Salonique, ont fait dans cette ville une vingtaine de victimes. Les Grecs manifestent leur indignation. Les ministres italiens ont quitté Paris.

Source : La Grande Guerre au jour le jour

Avocourt
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