Paul Hess

26 février 1916 – Dans la nuit, à 23 h, nous avons été réveillés, au 2 de la place Amélie-Doublié, par un coup de sonnette du sous-lieutenant mitrailleur R… du 61°, qui venait rapporter à une voisine les clés du logement où il habitait rue Victor-Rogelet et dont elle a accepté la garde. Son régiment venait de recevoir l’ordre de partir.

Nous en déduisons qu’il va en renfort du côté de Verdun, le communiqué d’hier soir ayant fait mention de nouvelles attaques furieuses et acharnées des Allemands au nord de cette place, dont ils cherchent, avec opiniâtreté à s’emparer.

— Sifflements le matin, dès 8 heures. On parle d’un tué et de blessés grièvement, rue des Moissons.

— Dans Le Courrier d’aujourd’hui, se trouve l’information suivante :

La bibliothèque de Reims.

Un député, M. Cacbin, ayant demandé à M. le ministre de l’Instruction publique « si toutes les précautions avaient été prises, pour mettre à l’abri de la destruction les archives départementales et municipales de Reims, ainsi que la Bibliothèque de la Ville”— voici la réponse que le ministre a faite à cette question, par la voie du Journal officiel.

D’accord avec l’honorable maire de Reims, des précautions sur lesquelles il pourrait être imprudent de donner des détails précis, ont été prises pour mettre à l’abri de la destruction les archives et la bibliothèque de Reims. A plusieurs reprises, le ministre lui-même et des fonctionnaires du ministère sont allés conférer sur place, à ce sujet, avec M. Langlet.

Nous lisons encore, dans le journal, cette émotionnante et combien triste nouvelle :

Un héros ignoré.

Le parquet de Reims a publié, récemment, une liste de morts non identifiés, tués au cours des bombardements de 1914.

Parmi ces morts, figure un garçonnet d’une quinzaine d’années.

Cet héroïque enfant avait secondé les brancardiers dans la relève des blessés. Il fit maint voyage, dans les rues, en leur compagnie et fut lui-même atteint mortellement par un éclat d’obus, le 15 septembre 1914.

Transporté à l’ambulance du lycée de jeunes filles, il y expira au bout de quelques heures.

La Croix-Rouge avait eu l’idée de demander une citation et la croix de guerre pour le jeune brancardier, mort au champ d’honneur, mais on ne put rien recueillir sur le cadavre qui permit de fixer son identité.

On suppose que le garçonnet appartenait à une famille belge ou ardennaise de passage à Reims et qu’il s’est trouvé séparé de ses parents.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Samedi 26 – Nuit de Bataille jusqu’à minuit ; après canon à l’ordinaire.

Température : – 1. Neige légère, non fondante. 8 h. bombes gros calibre sifflantes tombant assez près avec grand fracas et répercussion par l’écho, mais probablement tombant sur la batterie. Item l’après-midi.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Samedi 26 février

En Champagne, nous avons attaqué et enlevé un saillant ennemi au sud de Sainte-Marie-à-Py. Nous avons fait 300 prisonniers, dont 16 sous-officiers et 5 officiers.
En Argonne, à l’est de Vauquois, nous avons exécuté des tirs sur les ouvrages ennemis de la région de Cheppy et aussi au nord de la Harazée. Activité intermittente de l’artillerie entre Malancourt et la rive gauche de la Meuse.
Au nord de Verdun, après nous être établis sur une ligne de résistance organisée en arrière de Beaumont, sur les hauteurs à l’est de Champneuville et au sud d’Ornes, nous avons repoussé de violentes attaques allemandes à gros effectifs sur la côte du Poivre et sur le bois de la Vauche. A l’ouest de la Meuse, canonnade, mais aucune action d’infanterie.
Dans les Vosges, duel d’artillerie dans la vallée de la Fecht.
Le président Wilson combat les menées pro-germaines qui s’exercent dans les deux Chambres du Congrès de Washington. Il déclare qu’il mettra l’honneur au dessus de la paix.
Les Russes ont obtenu un succès important en Perse, refoulant les Turcs vers Kermanchah, capitale du Kurdistan.
Dans partie nord du secteur oriental, ils ont progressé contre les Allemands près de Dvinsk et de Tchartorysk.
Un journal allemand avoue que les pertes turques furent énormes à Erzeroum.

Source : La Grande Guerre au jour le jour

Source : collection personnelle Patrick Nerisson
Source : collection personnelle Patrick Nerisson