Louis Guédet
Mardi 12 octobre 1915
395ème et 393ème jours de bataille et de bombardement
4h1/2 soir Du canon toute la nuit, matinée tranquille, une conciliation avortée, le débiteur étant de mauvaise foi (M. Auberge (commerçant né à Marseille en 1866)). Je travaille mais c’est la guerre je ne paierai pas ! Voilà la thèse courante et à 11h1/2, comme je me disposais à aller déjeuner chez M. Henri Abelé 2 obus (shrapnels) vers la rue du Barbâtre. Déjeuné dans la cave de M. Henri Abelé avec Mme Henri et Louis Abelé, Abbé Landrieux, curé de la Cathédrale, Albert Benoist, Docteur Simon, Marcel Heidsieck, Lesecq chef de caves. A 2h1/2 on vient nous dire que des aéroplanes français se dirigent vers les lignes allemandes, nous prenons congé pour aller voir, mais ils étaient déjà disparus. Je me dirige avec le Docteur Simon vers sa maison et mon refuge quand boulevard Lundy, rue Linguet, nous entendons un bourdonnement continu, comme si une immense ruche d’abeilles se dirigeait vers nous. C’étaient nos aéroplanes qui nous revenaient, ils n’avaient pas été longtemps parti, il était 3h1/4, ils étaient 19, c’était un bien joli spectacle !! Tous ces avions revenant en bande, poursuivis par 3 avions allemands, en bonds dispersés, allant, venant pour certains comme le chien du berger qui surveille ses brebis. C’était impressionnant et magnifique, de grandeur, de crainte qu’ils ne se fassent atteindre, nous étions là, fascinés par ce beau spectacle.
Repassé par le Palais de Justice, rencontré M. Creté, juge qui me reconduit jusqu’à la rue des Capucins. Nous nous disons au revoir pour demain ma prestation de serment. En rentrant, 2 ou 3 obus aux environs. C’est tout.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
À 14 h 45, un ronflement de moteurs qui augmente insensiblement d’intensité et devient considérable, nous fait quitter pendant quelques instants le bureau. Du perron de l’hôtel de ville, nous voyons s’avancer en plusieurs lignes, une escadrille de vingt-trois aéros partant en expédition. Elle se dirige vers le nord-est, et, sur un signal donné par une fusée tombée de l’un d’eux, les appareils se dispersent et accélèrent l’allure.
Vingt minutes après, ils commencent à repasser ; nous en comptons dix-huit — ensuite des sifflements se font entendre et une dizaine d’obus arrivent en ville.
Le lendemain 13, nous apprenons, par le communiqué, qu’une escadrille de dix-neuf avions a lancé cent-quarante bombes sur la gare de Bazancourt où des mouvements étaient signalés.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Mardi 12 – Nuit tranquille pour la ville. 11 h. 1/2, 3 bombes sifflantes. 2 h. 1/2 passage de nombreux aéroplanes, ronflant ensemble magnifiquement, comme un orgue, sur la ville.
Un 20e allant au Nord. Revenant après 1/2 heure à peu près.
Reçu la brochure allemande, en réponse au volume de Mgr Baudrillart.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Mardi 12 octobre
Progrès sensibles de nos troupes à l’ouest du chemin de Souchez à Angres, dans la vallée de la Souchez et à l’est du fortin du bois de Givenchy.
Nous gagnons du terrain sur les crêtes de la Folie. Cent prisonniers appartenant à la garde sont restés entre nos mains.
En Champagne, nous avons progressé au nord-est de Tahure et enlevé un ouvrage allemand au sud-est du village, près du ravin de la Goutte. Nous avons capturé 108 prisonniers, dont deux officiers.
Notre artillerie contrebat efficacement l’artillerie allemande.
Canonnades aux Eparges, au bois Le Prêtre, à Reillon en Lorraine, et dans les Vosges, à Steinbach et près de Thann.
Les renseignements recueillis par l’état-major britannique prouvent que l’échec subi par les Allemands au sud du canal de la Bassée a été des plus sérieux.
L’offensive russe s’accentue en Bukovine. L’action entre les armées austro-allemandes et serbes se déploie sur un très vaste front le long du Danube, du Drin et de la Save. Les Serbes ont repoussé victorieusement les agresseurs.
Le courant de l’opinion italienne se manifeste de plus en plus énergiquement en faveur d’une intervention dans les Balkans.
Les partis roumains favorables à la Quadruple Entente demandent une réponse à M. Bratiano au sujet de l’opportunité d’une mobilisation générale.
M. Viviani, président du Conseil et ministre des Affaires étrangères par intérim, a fait une déclaration à la Chambre sur la question d’orient. Il a dit que la Russie associerait son action militaire à la nôtre.
Source : la Grande Guerre au jour le jour