Paul Hess
Nous avons encore été bombardés dans la matinée hier, simple canonnade.
– Après avoir obtenu, à la mairie, la permission de me rendre, pour la première fois, dans ma famille à Épernay, j’avais eu d’idée, en vue d’éviter la perte d’une journée pour le voyage (1), non pas de solliciter le laissez-passer exigé, mais de demander au général commandant la 5e armée, qui seul pouvait l’accorder, l’autorisation de prendre la place qui m’avait été offerte, dans l’une des voitures automobiles affectées au service municipal de ravitaillement, puisqu’elles font journellement le trajet Reims-Épernay. J’aurais eu ainsi pour trois quarts d’heure en plus de parcours.
La réponse suivante a été faite à ma demande :
Ve Armée – État-major – 2e Bureau
Q.G. le 21 mars 1915
Le général commandant la Ve armée,
à Monsieur Paul Émile Hess, 8, rue Bonhomme, à Reims.
Je vous autorise à vous rendre par chemin de fer et voiture à Épernay (aller et retour).
Il n’est pas possible de vous accorder un permis de circuler en automobile pour effectuer ce déplacement.
L’autorisation qui vous est accordée est valable jusqu’au trente et un mars 1915.
P.O. le chef du 2e Bureau
Signé : E. Girard
Donc, le 25, après avoir annoncé mon voyage depuis plusieurs jours, je me mets en route, muni de ce laissez-passer et impatient dès le départ, d’arriver à Épernay auprès des miens – puis, nous avons tous la grande joie de pouvoir, pendant quatre jours, revivre en famille, dans l’atmosphère qui nous fait si complètement défaut de part et d’autre. Mon beau-père, rencontré par un heureux hasard à Dormans, à l’aller, peut même venir passer avec nous la journée du dimanche 28, fête des Rameaux.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
(1) Pour le voyage Reims-Epernay, il fallait prendre, sur la place d’Erlon, à 7 h 1/2, une voiture transportant les voyageurs à Pargny-les-Reims tête de ligne du CBR qui conduisait à Dormans pour midi et demie. On ne trouvait ensuite un train de la Cie de l’Est, Paris-Dormans-Epernay qu’à 16 h 1/2, avec arrivée à 17 heures.
Cardinal Luçon
Mercredi 24 – Nuit tranquille. Visite au Bon-Pasteur, à l’Enfant-Jésus. Visite à Sainte-Clotilde et de Saint-Remi accompagné de M. Dage.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims
En savoir plus sur le CBR
Mercredi 24 mars
Notre artillerie détruit plusieurs points d’appui en Belgique, près de Nieuport.
Au nord d’Arras, près de Carency, nous avons enlevé une tranchée allemande et fait des prisonniers. A Soissons, notre artillerie a arrêté une tentative de bombardement. En Champagne, l’ennemi a bombardé Reims, faisant trois victimes dans la population civile. Il a également canonné nos positions dans région de Perthes-Beauséjour. A Vauquois, il a aspergé une de nos tranchées d’un liquide enflammé. Nos troupes ont, ici, reculé d’une quinzaine de mètres. Nons avons refoulé deux attaques aux Eparges et progressé à l’Hartmannswillerkop.
D’après certaines informations, le nombre des prisonniers faits par les Russes dans Przemysl dépasserait même 100.000. La garnison de la place avait été de 170.000 hommes. On annonce que l’armée russe, forte de 750.000 soldats, va faire une violente offensive dans les Carpathes. Le découragement s’est encore accru en Autriche.
Les journaux conservateurs allemands demandent que Liebknecht et Ledebour soient poursuivis pour haute trahison.
Un grand changement se prépare en Bulgarie. Le cabinet Radoslavof céderait la place à un cabinet de concentration présidé par M. Malinof et le nouveau gouvernement enverrait l’armée prendre la Thrace et Andrinople.
Le fameux général pangermaniste von Bernhardi essaie de convaincre les Américains de la loyauté et du pacifisme allemand.