Abbé Rémi Thinot

18 JANVIER – lundi –

Je fais un tour dans les ambulances. Pauvres martyrs ! Que d’horribles plaies !

A l’heure où j’écris, la fusillade est vive ; combien de victimes encore ! C’est horrible, la guerre.. !

Je découvre – il vient vers moi dans la rue – un brave soldat qui veut mettre en ordre sa conscience, reconnaître son enfant, apr afin d’être prêt à mourir.

Il n’a pas fait encore sa première communion. Je vais le préparer. Brave garçon ! Premiers prémices de mon ministère. D’autres m’arrêtent pour les confesser. Oh ! adorable mission du prêtre !

Les médecins deviennent aimables, très ; je crois que les sympathies s’éveillent…

Extrait des notes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à Reims

Paul Hess

Bombardement, les 15, 16 et 17.

Au cours de la nuit dernière, la fusillade s’est fait entendre, tandis que les projecteurs fonctionnaient et que les fusées éclairantes montaient au-dessus des lignes.

Vers 1 h, aujourd’hui, sifflements et arrivées de projectiles. Il y a des victimes à la maison de convalescence.

Le Courrier d’aujourd’hui reproduit cet article de L’Économiste Français :

À quand la grande poussée libératrice ?

Quand viendra le jour de la poussée d’ensemble et à fond, soit sur tout le front, soit sur des parties choisies pour rejeter vigoureusement l’Allemand hors de France et même hors de Belgique ? Les impatients s’étonnent que ce moment tarde tant à venir ; il paraît probable qu’il n’est pas encore tout proche. Ce serait, en effet, une témérité que d’effectuer une attaque générale à fond et soutenue qui, même triomphante, coûterait la vie à des dizaines de mille hommes, quand des événements en vue doivent, dans quelques semaines, augmenter considérablement la force du groupe de la Triple entente et de ses alliés.

Ces événements en vue, c’est d’abord l’entrée en ligne, à la fin de l’hiver ou au début du printemps, des six armées britanniques, en préparation depuis presque le début de la guerre dans la Grande-Bretagne. L’apport de 400 00 ou de 500 00 hommes de troupes fraîches et d’un bon âge (20 à 55 ans) doit singulièrement accroître, dans un délai assez bref la force des Alliés. Le second événement qui, sans être encore certain, paraît très probable, c’est l’entrée en campagne en février ou mars, de la Roumanie jetant 40 000 soldats d’excellentes troupes en Transylvanie et en Hongrie et pouvant forcer l’Allemagne à réduire ses effectifs sur le front occidental de la lutte. Quand on a vu, à assez bref délai des événements aussi favorables, il y aurait une coupable témérité à les devancer par l’engagement de grandes et générales batailles.

Il serait vraiment intéressant de savoir qui a autorisé la publication d’un article présentant une telle importance, que la Censure, cette fois, n’a probablement pu le laisser passer que par ordre.

C’est évidemment une manière officieuse de faire comprendre au public qu’il n’est pas encore tout proche, le moment de la libération. Lorsqu’on pense combien il l’a été pour nous, Rémois, le 13 septembre 1914, à la suite de la bataille de la Marne !

Quelles désillusions !

Il nous faudra bien attendre.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Lundi 18 – Nuit tranquille en ville. Canons autour. Aéroplane à 10 heures et 1 heure. Visite dans la matinée à Mencière avec M. Dage.

Promis d’aller à l’usine Cama après-midi avec M. Dage.

Envoyé 2000 F à M. Paul Renaudin pour l’Union-Rémo-Ardennaise. Bombes sur l’église Saint Benoit, très endommagée : murs percés, plafond crevé en plusieurs endroits.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

Eugène Chausson

18 Lundi – Le matin, temps clair, il gèle un peu aussi les aéros en profitent pour excursionner. Dès le matin, la canonnades est terrible ; toutes nos grosses pièces autour de Reims se font entendre d’une façon terrible, mélangée aux coups de fusil on se croirait encore au printemps dernier. Je ne sais à quoi a pu servir toute cette canonnade. Dans la soirée obus du coté de l’avenue de Laon et la Convalescence, parait-il.

Carnet d'Eugène Chausson durant la guerre de 1914-1918

Voir ce beau carnet sur le site de sa petite-fille Marie-Lise Rochoy


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Lundi 18 janvier

Nos troupes ont progressé dans la région de Nieuport et de Lombaertzyde et les Allemands ont dû évacuer plusieurs ouvrages qu’ils avaient construits dans les dunes.
Des combats d’artillerie ont eu lieu dans les régions d’Ypres, de la Bassée et de Lens.
A proximité d’Arras, à Blangy les Allemands s’étaient emparés d’une fonderie, mais une contre-attaque nous en a rendu maîtres à nouveau. Nous avons continué à démolir les tranchées ennemies près de la Boisselle. Aucun incident près de Soissons, mais entre Vailly et Craonne, nous avons refoulé deux offensives. Nos progrès se poursuivent avec méthode dans les régions de Perthes et de Beauséjour. L’attaque allemande quotidienne a été brisée au bois Le Prêtre, près de Pont-à-Mousson ; dans les Vosges, nous avons gagné du terrain à l’ouest d’Orbey, mais la neige tombe en abondance et ralentit les opérations.
La plus grande incertitude continue à régner sur le plan que les Allemands adopteront en Russie. Battront-ils en retraite ou von Hindenburg se bornera-t-il à modifier légèrement son dispositif d’attaque?
L’armée russe du Caucase a fait encore un millier de prisonniers aux Turcs dans la région de Karaourgan.
Les autorités militaires de Cuxhaven, le grand port militaire allemand de la mer du Nord, ont adopté des mesures extraordinaires pour protéger la ville contre les hydravions alliés.
Les aviateurs alliés, jetant des bombes sur Ostende, y ont endommagé la gare et les casernes.
Des troubles graves ont éclaté dans plusieurs villes d’Autriche.

Source : La Grande Guerre au jour le jour