Louis Guédet

Mardi 13 novembre 1917

1159ème et 1157ème jours de bataille et de bombardement

8h soir  Rentré à Reims. Laissé ce matin mes pauvres petits seuls, Marie-Louise et Maurice, ce dernier souffrant d’une petite angine, leur mère devant rentrer aujourd’hui de Paris. Il a gelé fortement et à 5h il est dur de voyager. A Épernay vu à la Recette des Finances de Reims où j’avais à faire, au Crédit Lyonnais d’Épernay, à la Banque de France. Vu ensuite le Procureur de la République avec qui j’ai causé longuement. Suppléance de l’Étude d’Hautvillers (M. Démoulin) à qui je vais écrire. Et une affaire dont mon brave et fort aimable Procureur se tourmente bien inutilement à mon sens, au sujet d’une plainte contre cet inénarrable Mt Thomas, de Breuil-Romain, ancien notaire à Fismes, qui comme une brute qu’il est, répond à M. Osmont de Courtisigny d’une façon peu polie, or le Procureur Général est derrière, et Herbaux ne l’entend pas de cette oreille. Le Procureur m’a demandé de le fixer si Thomas était régulièrement suppléant son arrière successeur Mt Langlet (Alfred Langlet, notaire à Fismes (1872-1928)). Je lui réponds par Landréat, mon greffier, négativement. Dans le fond je n’en suis pas fâché, car dans l’affirmative c’eut été à la Chambre de discipline de Reims à instruire l’affaire, et Dieu sait où sont éparpillés les membres de notre pauvre Chambre !! Bref cet idiot de Thomas va relever du droit commun !

En causant avec le Procureur, celui-ci, indéniable qu’il avait reçu des éloges de moi de la part de l’autorité militaire !! J’en suis tombé de mon haut !! et en souriant je lui exprimais mon incrédulité. Mais il me tira bel et bien un dossier d’où il me lu une lettre de l’Intendant Général de Châlons qui me couvrait de fleurs, disant que je n’avais jamais laissé de retard et que j’étais le seul dans ce cas en matière de réquisitions militaires et il ajoutait  : nous n’avons qu’à nous louer tout particulièrement du zèle et de l’aide que nous donne le juge de Paix de Reims, à qui nous ne pouvons qu’adresser des éloges et de la reconnaissance pour tous les services qu’il nous a rendu et nous rend !! J’en suis resté ébahi !! Et me suis écrié : « M. le Procureur, je demande la Croix de Guerre !! » Ce qui l’a fait bien rire, et avec son sourire malin : « Vous voyez, mon cher juge de Paix, que tout arrive en ce bas monde, même des couronne pour le juge de Paix de Guerre de Reims taxé d’antimilitariste par ces mêmes Militaires qui le couvrent de Gloire maintenant !!

Je suis de plus en plus enchanté de mes rapports avec celui-ci. Je crois que je rendrai par cela bien des services à notre Compagnie des notaires de Reims. Arrivé ici par un soleil radieux. Trouvé des clients de Jolivet qui m’attendaient pour un inventaire qu’avait rédigé mon brave et dévoué Dondaine !! Cela m’a tenu le reste de mon après-midi, en sorte que je n’ai pu rien faire et Dieu sait le courrier formidable qui m’attendait !! Enfin je m’y mettrai d’arrache-pied demain.

Lu dans l’Écho de Paris d’aujourd’hui la nomination de Colson, notre directeur des Postes à Reims, comme Chevalier de la Légion d’Honneur ! Il l’a bien mérité !! Il n’y a que moi qui reste en panne !! En ce moment la canonnade fait rage vers Cormontreuil !! Je suis retombé dans le tombeau, avec mes angoisses, mes agonies, mes souffrances, mon isolement. Après tout c’est le Devoir !! Le sacrifice de soi-même pour mes chers concitoyens et ma chère cité Martyre.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

13 novembre 1917 – Canonnade sérieuse sur la Pompelle, qui paraît indiquer une attaque allemande.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Entrée du fort de la Pompelle 1916-1917

Cardinal Luçon

Mardi 13 – Nuit tranquille. 0°. Beau temps. Visite du Colonel de Cam­brai, 52e régiment ou division d’artillerie, avec un Capitaine et un officier. Ils sont au Godât(1). Bombes autour de Saint-André.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
(1) Le domaine ou la ferme du Godât, complètement ruiné, était une position fort disputée sur la rive Est du canal de la Marne à l’Aisne, à la hauteur du cimetière militaire national de Cormicy.

Mardi 13 novembre

Sur le front bois le Chaume-Bezonvaux, l’activité de l’artillerie a continué pendant la nuit.
Sur le front belge, un détachement a effectué un coup de main avec plein succès sur la ferme Terstrelle. Après avoir infligé des pertes sérieuses à la garnison ennemie et fait sauter un abri, nos alliés ont ramené plusieurs prisonniers. Ils ont neutralisé des batteries de Schoore, Cayen, Peerst, Eessen et exécuté plusieurs tirs de destruction sur les organisations ennemies des abords de Dixmude en représailles des tirs à obus à gaz faits par des batteries ennemies vers Oudecapelle et Whuizen.
Sur le front italien, point d’événement important depuis la Stelvio jusqu’à l’Astico. Sur le plateau d’Asiago, l’ennemi a renouvelé l’attaque de la ligne Gallio-Mont-Longaracote 1674-di Moletta-di-Gallio. Son action a complètement échoué sous les tirs de nos alliés. A l’extrémité nord du front d’attaque, où un combat acharné a eu lieu, les Italiens ont contre-attaqué et ont réussi à capturer quelques prisonniers.
Sur le reste du front montagneux, au cours d’actions de contact avec des avant-gardes ennemies, les troupes italiennes ont bravement résisté. A travers la Piave, vive activité d’artillerie.

Source : La Grande Guerre au jour le jour