Louis Guédet

Jeudi 22 novembre 1917

1168ème et 1166ème jours de bataille et de bombardement

5h1/2 soir  Hier soir à 9h1/2 bataille assez violente devant Reims, qui a durée 3/4 d’heure. Le reste de la nuit a été calme. Ce matin été messe de 7h1/2, rue du Couchant, dire par l’abbé Camu pour Maurice Mareschal dont c’était l’anniversaire du décès. Trois ans ! Il me semble que c’est d’hier !! Gustave Houlon servait la messe, de Bruignac était là, Melle Payard, Mme Colin, en tout une 10aine (dizaine) de personnes. Rien d’extraordinaire au courrier. Journée triste et lugubre, temps gris, maussade. Les journaux annoncent à grands coups de tambour le succès des anglais sur Cambrai !! Quelques kilomètres et c’est tout. Il n’y a pas lieu de tant crier, hélas ! Été au cimetière du Nord vers 9h1/2, quel désastre que ce malheureux cimetière bouleversé. J’étais seul et en arrive à avoir peur dans ce champ de repos. J’avais fait mettre une gerbe de fleurs dans la chapelle qui est encore intacte, à part une petite fenêtre dont les vitraux ont été cassés par le culot de 210 de l’autre jour. (Rayé).

Rentré chez moi, en passant par l’Hôtel de Ville causé un instant avec Raïssac et Houlon qui m’a accompagné jusqu’à ma porte, il allait aux Hospices. Un souscripteur m’attendait pour souscrire 8 F de rente, 132,20 F. Ce sera dans la moyenne de mes souscriptions je crois… Les petites bourses, pas les grosses… Demain j’aurai la visite du chef de la comptabilité de la Banque de France qui vient me donner ses instructions, et des affiches et imprimés. M. Gilbrin m’annonce qu’il viendra me voir la semaine prochaine. Voilà ma journée, tristesse monotone comme tant et tant d’autres passées, et…  quand cela finira-t-il !

8h10 soir  Depuis 7h combat vers Pommery et Cormontreuil, cela n’a pas cessé jusqu’à maintenant, mais voilà les allemands qui commencent à envoyer des obus vers Cormontreuil, qui sifflent au-dessus de nos têtes. Désagréable musique ! à laquelle on ne se fait pas, et à laquelle je n’étais plus habitué.

Cela passe haut, mais n’empêche que c’est désagréable. Que vont-ils nous réserver pour cette nuit. Mon Dieu protégez-moi. Ayez pitié de moi. Je ne me sens plus le courage ni surtout la force de résister à des bombardements comme jadis… On est réellement plus impressionnable. Ma bonne me le disait tout à l’heure : « Monsieur, vraiment on ne peut plus entendre un obus, çà vous énerve !… » Oui, cela vous brise, vous angoisse et vous torture. Et voilà près de 40 mois que nous vivons cette vie !

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Paul Hess

novembre 1917 – A 19 h 1/4, tir serré de nos pièces jusqu’à 21 h.

Bombardement à gaz, faubourg de Laon.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Jeudi 22 – + 10°. Temps couvert. Soir de 6 à 9 h. 1/2, violente canon­nade française : éclairs magnifiques du côté de Courcelles et de l’est. Vi­site à Rœderer.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Hospice Louis Roederer
Hospice Louis Roederer

Jeudi 22 novembre

Nous avons réussi plusieurs incursions dans les lignes allemandes au nord et au sud de Saint-Quentin et ramené des prisonniers.
Une opération sur la Miette nous a valu de faire 175 prisonniers, et de progresser sur un front d’un kilomètre.
L’attaque anglaise entre Saint-Quentin et la Scarpe a été couronnée de succès. Les troupes britanniques ont pénétré dans les positions allemandes sur une profondeur de 6 à 8 kilomètres et sur une longueur considérab1e. Elles ont fait plusieurs milliers de prisonniers et capturé un certain nombre de canons.
Le premier système de défense de la ligne Hindenburg a été enlevé, puis, à 1500 mètres de là, le deuxième système. Les hameaux de Bonain, la Vacquerie, Rebecourt, Flesquières, Havrincourt, Marcoing, et le Bois-Neuf, Grancourt et Anneux ont été occupés. A l’est d’Epehy il y a eu aussi une avance sensible.
Les Italiens ont repoussé dans les montagnes, entre Brenta et Piave, une nouvelle succession d’attaques austro-allemandes.
Les troupes britanniques sont arrivées à 9 kilomètres de Jérusalem.
Les commissaires du peuple maximalistes de Petrograd ont prescrit l’ouverture de négociations avec les Austro-Allemands en vue de la conclusion d’un armistice.

Sources : La Grande Guerre au jour le jour