Louis Guédet

Jeudi 7 juin 1917

999ème et 997ème jours de bataille et de bombardement

1h soir  Pluie d’orage hier soir. Nuit à peu près calme, chaleur torride qui tournera nécessairement à l’orage. Vu à l’École Professionnelle (Poste, sous-préfecture, etc…) Beauvais et Houlon qui jugeaient les allocations militaires en commission cantonale. Nous avons causé. Du Dr Simon, de son départ que n’approuve pas Houlon ni Beauvais. Il a eu tort de claquer les portes, car on lui resservira à satiété que s’il était resté à Reims jusque là, ce n’était nullement par devoir, pour la Ville de Reims ses concitoyens, mais uniquement…  pour la décoration. A cela il ne pourra rien répondre. Je le regrette pour lui bien sincèrement, car il s’est réellement dévoué ! sacrifié et exposé ! A sa place, j’aurais eu le « Sourire », j’aurais tenu jusqu’au bout, sauf à la fin de la Guerre d’avoir dit et dire leur fait à nos radins socialistes à Valeurs (rayé) rouges !…  qui eux font fleurir à foison leurs boutonnières. Ils m’ont appris que nos troupes d’infanterie avaient été relevées par la 12ème Division de cavalerie, c’est indiquer que notre secteur de Reims va retomber dans le marasme d’antan. C’est l’ensevelissement définitif de Reims !

Hélas !… Comme conséquence nos galonnards de la Place relèvent la tête, leurs « hannetons » recommencent à s’agiter pour embêter et molester le civil. Maintenant que les allemands ne (rayé). Ce matin a paru dans l’Éclaireur une décision de la Place (tiens, elle se réveille et sort de son abri blindé ou de sa cave de toute sûreté) qui enjoint, à partir du 31 mai 1917, aux Hippomobiles de marcher au pas dans les rues de Reims, aux motos et automobiles une allure de 15 kilomètres à l’heure, et « Ne pas entrer dans le jardin ni laisser stationner le véhicule dans le susdit jardin ! » – « Ne pas sortir quand des avions survolent la ville », etc…  etc… (Rayé). Il devrait également afficher : « Quand çà bombarde, les personnes qui se trouvent dans le bureau de la Place sont priées de ne pas faire dans leurs culottes (rayé), le (rayé) Commandant de place s’en charge pour tout le monde ». (Rayé). Quand donc serons-nous débarrassés de cette (rayé)!

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

7 juin 1917

La remise du service du mont-de-piété m’est faite, dans la matinée, par M. Fréville, receveur des Finances, dans ses bureaux, avenue de Paris, 60.

En temps normal, pareille formalité comporte une vérification des écritures et des valeurs, en présence du receveur sortant. Comme en fait, il ne m’est remis que des ruines, sans aucune en­caisse, le tout se borne à la signature d’un procès-verbal en date de ce jour, reproduisant uniquement la balance des écritures arrêtée au dernier jour du fonctionnement des services (3 septembre 1914) sans qu’il ait pu être tenu compte, jusqu’alors, du bouleversement complet apporté dans cette situation par l’incendie du 19 même mois. Et c’est seulement maintenant, après avoir été nommé par arrêté préfectoral du 31 août 1916, que je suis autorisé à faire des opérations, quand le conseil d’administration aura pris les déci­sions qui s’imposent. Mais, dans la situation actuelle de Reims, quand sera-t-il regroupé ?

Je sais cependant que je puis déjà travailler très utilement de mon côté et je me propose de commencer sans tarder.

— Bombardement.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Jeudi 7 – + 19°. Nuit tranquille sauf quelques coups de canons et mi­trailleuses au loin, vers l’est. Dès le matin, aéroplanes allemands, tir contre eux. M. Camu et Mgr Neveux vont à Villedommange. Visite avec M. Compant, rue d’Alsace-Lorraine. Nous descendons de voiture à la Biblio­thèque municipale ; nous allons à pieds par rue Croix Saint-Marc, nous traversons un terrain vague, désert, hérissé de fer barbelés. Rue d’Alsace, nous trouvons la maison où nous allions, inhabitée ; toute la place est cou­verte des vêtements arrachés des armoires par les pillards 25, rue de Metz (?) Un soldat nous indique une maison où il y a trois femmes, nous y allons. Il s’agissait de dire à une femme qui m’avait fait écrire à l’office du Vatican pour renseignements sur les disparus, que sa fille et son gendre habitaient Constantinople, telle rue, tel numéro. Cette pauvre femme avait quitté Reims lors des bombardements d’avril. Nous voulions avoir son adresse. Les fem­mes nous dirent que son frère habitait à la Haubette, et vinrent deux jours après nous apporter l’adresse de cette dame qui était réfugiée en Saône-et-Loire. Je lui écrivis, tout heureux de lui dire que son gendre et sa fille était vivants et de lui donner leur adresse avec la lettre de l’office du Vatican, portant les armes du Saint-Siège. Au retour dans la rue Robert de Coucy, pendant que nous réglons le cocher, un obus éclate au-dessus de nous et tombe sur la corniche de l’hôtel du Commerce ; il projette des pierres entre les jambes du cheval qui s’emballe, le chapeau du cocher est emporté par le vent. Comme nous revenions, un 2e obus tomba pendant que nous étions rue du Cloître (au grand effroi d’une dame pour nous, et qui pourtant cou­rait le même danger que nous) blottis le long du mur d’une maison ; le 3e comme nous entrons au secrétariat. Aéroplanes.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims


Jeudi 7 Juin… début de la bataille de Messines

Durant la dernière nuit, lutte d’artillerie d’une grande intensité à l’est de Vauxaillon, au nord du moulin de Laffaux, et sur toute la région au nord-ouest de Braye-en-Laonnois.

Vers Hurtebise, après un vif bombardement, les Allemands lancèrent deux vagues d’assaut sur nos positions au nord-est du Monument. Les assaillants ont été rejetés dans leurs tranchées de départ, après un combat violent où nos soldats ont infligé de fortes pertes a l’ennemi. Notre ligne a été intégralement maintenue.

Dans la matinée, les Allemands ont prononcé d’autres attaques entre l’Ailette et la route de Laon et au nord-ouest de Braye-en-Laonnois. Deux tentatives sur le bois du Mortier, au nord de Vauxaillon, ont été brisées immédiatement.

Les Allemands ont concentré leurs efforts au nord du chemin des Dames où ils ont attaqué sur le front le Panthéon-ferme la Royère. L’attaque ennemie a été repoussée dans son ensemble et n’a pu aborder nos lignes qu’en un seul point, au sud de Filain, dans notre saillant des Bovettes.

Les Anglais ont effectué une légère avance au sud de la Souchez. Ils ont occupé l’usine électrique de cette région.

Ils ont fait 75 prisonniers près d’Ypres.

Au cours d’un combat naval, une de leurs flottilles, a coulé un destroyer allemand.

Un raid d’avions allemands a eu lieu à l’estuaire de la Tamise. Deux des appareils ont été abattus.

Des bâtiments de guerre américains ont mouillé sur nos côtes.

Source : La Grande Guerre au jour le jour