Louis Guédet

Dimanche 3 juin 1917

995ème et 993ème jours de bataille et de bombardement

11h matin  Nuit de combat, assez mal dormi. Temps frais ce matin, soleil magnifique, le baromètre reste au beau fixe.

Hier en causant avec Dramas des pillages et délits commis par la troupe, celui-ci me disait que  nos officiers n’avaient rien à envier aux officiers allemands, car ils se conduisaient comme ces derniers dans les maisons qu’ils occupaient à Reims et les souillaient comme les prussiens, avec autant de bassesse et de sadisme. Il m’apprenait, ce que je savais déjà du reste, qu’il n’y avait pas une maison du faubourg de Laon abandonnée qui n’ait été visitée par les pillards militaires. Hanrot du reste me disait qu’avant-hier il était passé dans les rues Lesage, Landouzy, Neufchâtel, etc…  et qu’il y avait vu toutes les portes de toutes les habitations enfoncées. Nous avons le même spectacle sous les loges et rue de l’Étape, en un mot dans toutes les rues de Reims.

5h3/4 soir  Reçu un assez lourd courrier qui m’a un peu occupé. Porté des lettres. Reçu lettre de la nourrice de Robert qui me dit que son fils Louis, frère de lait de Robert, était au Chemin des Dames et qu’il avait été enseveli avec 3 ou 4 de ses camarades, et que seul il est sorti indemne de cette fosse. Je lui réponds. Visite de Charles Heidsieck qui repart demain à Paris, il me dit que ses 2 fils sont au repos, que son neveu Maurice Heidsieck (1896-1976) a eu une très belle citation comme soldat de liaison entre son capitaine et son colonel. Tandis qu’ils étaient entourés par les allemands qui ont été eux, faits prisonniers le lendemain seulement, et lui, son capitaine et sa compagnie délivrés du même coup, grâce aux renseignements qu’il avait portés au colonel. Il m’apprend que le dernier fils de M. et Mme de Baillencourt (son beau-frère et sa sœur) (Robert-Charles de Baillencourt (1883-1969)), qui sont toujours à Douai, a pu s’évader en Hollande, il a mis 5 mois pour réussir et va arriver en France incessamment…  Du coup le Père M. de Baillencourt a été mis en cellule avec cette aggravation qu’on a trouvé des notes de lui d’un journal qu’il tenait (comme moi pour celui-ci) au jour le jour. M. Dupont et sa fille, pris dans les mêmes conditions sont en Allemagne.

Nous nous quittons, lui pour aller voir le cardinal, et moi pour m’entendre avec le commissaire de Police du 1er canton pour ouvrir une maison de notre rue au 104, Melle Malezet, tuée le 6 avril 1917, pour voir si elle a des valeurs et argent, et décrire sommairement le mobilier. Je n’appose plus de scellés, à quoi bon, ce n’est pas cela qui empêche les pillards d’opérer, donc…  Je prends le plus pratique, si j’arrive à temps j’enlève la galette et les valeurs !…  que j’expédie comme je puis à Épernay à la Caisse des Dépôts et Consignations. Ce sera pour demain matin.

En sortant du commissariat je me heurte à Sainsaulieu (Max Sainsaulieu, architecte de la Cathédrale de Reims (1870-1953)) qui n’est pas encore bien remis de sa…  secousse…  d’avant-hier…  Il déménageait des livres chez Paul Rosey, avocat rue Warnier, 21, avec Fridblatt, déménageur (Joseph Fridblatt, menuisier (1880-1917)), ils étaient tous deux dans une profonde armoire, quand un obus arriva dedans la susdite et les abat. Lui perd connaissance, et quand il revient à lui il voit Fridblatt mort à ses côtés. Il était encore fort ému. Je rentre chez moi après avoir acheté l’Écho !! et pour quoi apprendre ? Hélas !!! Rien.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

3 juin 1917 – Poussé une pointe jusque sur la place Amélie-Doublié. Les obus tombent encore sur le haut de l’avenue de Laon.

Vers 11 h, un sous-officier vient annoncer, à la mairie, que deux femmes, Mme Machelart et sa petite-fille, viennent d’être tuées, rue de Cormicy.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Place Amélie-Doublié (avant 1914)

Cardinal Luçon

Dimanche 3 – Fréquents aéroplanes. Fréquentes bombes sifflantes, sur batteries sans doute. Visite à M. le Curé de Saint-Jacques. Promenades par les rues. 2 tués avenue de Laon.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Dimanche 3 juin

Activité des deux artilleries dans la région au nord de Laffaux vers Hurtebise et sur le plateau de Californie et de Craonne.
Depuis le 16 avril, le nombre des prisonniers faits par les troupes franco-anglaises sur le front occidental dépasse 52.000 dont plus de 1000 officiers. Parmi l’énorme matériel pris sur l’ennemi pendant ce même laps de temps se trouvent 446 canons lourds et de campagne, un millier de mitrailleuses et un chiffre considérable de canons de tranchées.
Cinq avions allemands sont tombés en flammes ou se sont écrasés sur le sol à la suite de combats avec nos pilotes.
Sur le front d’Orient, dans la région de Lumnica, l’ennemi avait réussi à prendre pied momentanément dans un élément de nos tranchées : il en a été rejeté.
M. Isvolski, ambassadeur russe à Paris, a démissionné.

Source : La Guerre 1914-1918 au jour le jour