Louis Guédet

Mercredi 9 mai 1917

970ème et 968ème jours de bataille et de bombardement

8h1/2 soir  Temps brumeux, mais qui se met au beau beau temps vers midi. Nuit ordinaire, bruits de bataille et de bombardement. A 8h1/2 Bompas l’appariteur de la Chambre des notaires vient m’apporter l’épée et le costume de la Chambre avec claque. La chaine et médaille est avec ses affaires, ainsi qu’une louche en argent, il les rapportera quand il reviendra à Reims. Quand ??!! Il est tout en larmes, il fait peine. Nous nous quittons très émus tous les deux. Moi restant ici, au danger, lui poussant sa petite voiture dans laquelle il a quelques objets et affaires prenant le chemin de l’Exil. Il va ainsi à pied à Épernay, ou de là il partira en Anjou dans son pays natal. Au tournant de la rue Boulard, un dernier geste d’adieu et c’est fini ! Encore un disparu victime de la tourmente, laissant là sa femme dans la tombe et lui avec ses doutes, gagnant des régions plus hospitalières !! Plus rien de notre compagnie ne reste ici…  que moi et quelques archives et rares papiers sauvés des bombes et de l’incendie ! Verrai-je donc tout s’effondrer autour de moi, et s’éparpiller au vent du cataclysme qui ébranle le monde entier ?! Et lui, poussant sa petite voiture avec quelques hardes roule, roule sur les routes…  vers l’Exil !! Victime lamentable ! loque humaine !! quittant tout, laissant sa femme dans la tombe et seul, seul il va, il marche, il marche vers l’Inconnu ! sur les routes, à travers monts et vallées !…  sans espoir, sans consolation ! Laissant derrière lui la Grande Martyre Reims broyée, effondrée, minée, fumante et sanglante !

Vers 11h je vais voir mon cocher Roland 39 – 41 rue Bacquenois, c’est entendu il me prend vendredi matin 11 courant à 5h1/2 pour être à Épernay à 9h à l’ouverture de la Banque de France où j’ai à faire, puis voir Procureur et juges si possible.

Après-midi pris mon courrier. Ma pauvre chère femme s’affole de plus en plus. Bonnes nouvelles de robert, pas de Jean. Rencontré Lelarge qui ne désespère pas, mais convient que cela devient trop long et trop lourd. Il est comme moi, il estime que Reims est sacrifié et que c’est un mot d’ordre donné, arrêté par le Grand État-Major. Pourquoi ?? pas plus que moi il ne le sait. Mais c’est un parti pris.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

9 mai 1917 – Journée assez calme — schrapnells.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Mercredi 9 – + 11°. Pendant la nuit, la Maison de l’Enfant-Jésus a été criblée d’obus (dirigés sans doute sur le Mont-Dieu où il y a des soldats. A 4 h. 30, bombes rapides, éclatant presque aussitôt que le sifflement se fait entendre (fusants autrichiens) et qui sifflent encore après l’éclatement, tom­bent pas loin de nous ; éclats sur la maison. Visite de l’Aumônier du 125e (1)  et d’un soldat. Canon à 7 h. soir du côté de………. Lettre à Mgr Gibier, en remerciement pour une offrande (Recueil, p. 131).

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173


Mercredi 9 mai

Au nord-est de Soissons et sur le chemin des Dames, aucune réaction de l’infanterie ennemie au cours de la journée.
L’artillerie allemande, violemment contre-battue par la nôtre, a bombardé le secteur de Cerny-Hurtebise et la région de Craonne. Escarmouches à la grenade à l’est de Vauxaillon.
Canonnade intermittente sur le reste du front.
Du 1er au 7 mai, nos pilotes ont livré de nombreux combats aux aviateurs ennemis. Au cours de ces luttes aériennes, 25 avions allemands ont été abattus dont la destruction a été régulièrement constatée. En outre, 51 appareils allemands, sérieusement touchés, sont tombés dans leurs lignes. La destruction de la plupart d’entre eux est probable, mais n’a pu être contrôlée.
Canonnade habituelle sur le front italien.
M. Viviani et le maréchal Joffre ont échappé heureusement à un accident de chemin de fer en revenant de Kansas-City à Washington.
Les délégués des officiers russes, au nombre de 2000, ont fait une manifestation en faveur de la continuation de la guerre et du maintien d’un pacte étroit avec les Alliés.
Le président Wilson a été autorisé par le congrès de Washington, à prohiber toutes les exportations dont il jugerait utile d’interdire le départ.

Source : La Grande Guerre au jour le jour