Louis Guédet

Mercredi 2 mai 1917

963ème et 961ème jours de bataille et de bombardement

2h soir  Temps magnifique, très chaud, mais avec vent Nord-Est vif. Nuit ordinaire, sommeil quelconque ! en cave on ne peut en avoir d’autre. Fatigué, très fatigué. Dormi un peu sur le matin. Fait toilette, et écrit quelques lettres, mais sans goût, sans entrain, comme las…  pour tuer le temps. Rien appris. Je vais aller à la Poste, apprendrais-je quelque chose…  pousserais-je jusqu’à la Ville, je ne sais. Je suis comme dans un cauchemar continuel. Je vis comme dans un rêve nébuleux, et je dors de même. L’esprit est constamment à l’état de veille ! C’est plus que pénible…  car on  n’a nul repos, ni d’esprit, ni de corps.

5h1/2 soir  Été à la Poste, reçu lettres affolées de ma pauvre chère femme, de Mme Jolivet, de mon vieil ami Narcisse Thomas, avoué à Paris, qui me supplient de quitter Reims !! Vraiment à recevoir de semblables lettres cela vous démonte un peu. Que Dieu m’éclaire et me protège, et surtout qu’il solutionne mes hésitations par notre délivrance immédiate, ce sera la meilleure manière de trancher cette question de rester ou non !! Ma volonté est de rester jusqu’au bout, et à la Grâce de Dieu !! Mais si une solution ne venait pas d’ici quelques jours j’irais tout de même me reposer un peu à St Martin. Je suis fort fatigué, et à bout de forces.

Été à l’Hôtel de Ville (Werlé). Causé un moment avec le Maire qui est assez affairé aussi. Laissé lettre pour ma chère femme. En sortant rencontré M. Bailliez notre nouveau sous-préfet, que j’ai parfaitement reconnu pour l’avoir vu maintes fois à Châlons-sur-Marne, quand il était secrétaire Général de la Marne, et à la Préfecture. Il doit venir du matin au soir de Châlons où il résidera, et son bureau sera installé dans celui du Maire, avec Martin et les rares employés restés à la sous-préfecture. Ce sera plus pratique, ces 2 services, Municipalité et sous-préfecture réunis dans le même local. J’aime mieux cela, je verrai ainsi les 2 ensembles. Repassé me faire couper les cheveux chez mon vieux coiffeur de la Place d’Erlon qui est venu se réfugier dans une bicoque au 9, impasse des Carmélites, installation plus que sommaire, mais on peut se faire couper les cheveux. Les Figaros ne courent pas les rues en ce moment. Y en a-t-il 3 de restés à Reims ? Je ne le crois pas !! En tout cas, il est bien courageux. Rentré chez moi écrire quelques lettres. Voilà encore une triste et douloureuse journée passée quoique radieuse de soleil !! Il fait une chaleur torride ! avec une brise desséchante !! si c’était la dernière ou une des dernières avant la délivrance !! Il serait grand temps enfin !!

A l’intérieur de ce double feuillet se trouve une petite feuille de calepin de notes relatant les évènements « pris sur le vif » concernant la journée du 3 mai. Ils sont intégralement repris et développés dans le journal quotidien.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul hess

2 mai 1917 – Bombardement la nuit, par aéros.

Arrivées d’obus, au cours de l’après-midi.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Mercredi 2 – Nuit tranquille à Reims, combats au nord. + 16°. Visite à l’église Saint-André et au quartier. Après-midi, visite à M. le Maire. Bom­bes sur Pommery. Violentes canonnades d’un gros canon français : riposte des allemands par bombes sifflantes pendant longtemps. Toute la nuit ba­taille autour de Reims ; en ville, nuit tranquille. Le combat paraît plus vio­lent de 3 h. 30 à 5 heures. J’ai pensé que c’était l’assaut du fort de Brimont ; je priai pour nos soldats.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Collection Gérard Corré

Mercredi 2 mai

Au sud de l’Oise, nous avons repoussé une tentative allemande sur un de nos petits postes de la région de Barisis.
Sur le chemin des Dames, lutte d’artillerie assez violente dans le secteur Troyon-Hurtebise. Rencontres de patrouilles à l’est d’ Hurtebise. Une reconnaissance allemande, qui tentait d’aborder nos lignes, a été repoussée par nos feux.
En Champagne, la lutte d’artillerie a été violente au sud de Moronvilliers. Dans cette région l’ennemi a lancé à deux reprises de fortes contre-attaques sur les positions conquises par nous au nord-est du Mont-Haut. Nos tirs de barrage et nos feux de mitrailleuses ont, par deux fois, brisé les vagues d’assaut et infligé de lourdes pertes à l’ennemi. Le chiffre de nos prisonniers dans cette dernière région et pour les dernières journées, est de 520. Nous avons également capturé 5 canons.
Canonnade intense sur le front belge, spécialement au nord de Dixmude.
Les Bulgares ont contre-attaqué les positions récemment conquises par les troupes britanniques de Macédoine, près du lac Doiran. Ils ont été repoussés avec de fortes pertes.
Une attaque ennemie à la grenade a été arrêtée par notre artillerie vers la cote 1050 (boucle de la Cerna).

Source : La Grande Guerre au jour le jour