Louis Guédet

Samedi 22 juillet 1916

679ème et 677ème jours de bataille et de bombardement

7h soir  Très beau temps. Nuit relativement calme. Journée tranquille, quelques avions. Fait des courses toute la journée ou à peu près. Été à la Caisse d’Épargne ce matin ou le « bateau » de la décoration a repris avec ce brave M. Baudoin. Je l’ai envoyé au diable, mais il ne veut pas en démordre, ainsi que M. Grandsart. Bref je les ai laissé dire, puisque cela leur fait rire. En tout cas je leur ai dit qu’ils avaient bien des chances de ne pas boire de Champagne en cet honneur malgré leur désir !!… Écris à ma pauvre Madeleine pour sa fête. Je lui disais que je n’osais lui rien souhaiter, ou ce que je souhaitais ne serait certainement pas réalisé. Il suffit que je décide quelque chose pour que cela me soit refusé…

Après-midi couru encore beaucoup, en sorte que ce soir je suis passablement éreinté. D’autant qu’on perd énormément de temps dans ses courses, et il m’a fallu encore faire mon courrier. Je n’ai plus qu’une lettre pour Béliard qui m’a enfin donné signe de vie. Le brave confrère est reversé du 46ème Territorial (ce régiment avait été mobilisé à Reims et le 10 avril 1916, le 3ème bataillon, détaché à Verdun, est rattaché au 95ème RI) dans le 95ème d’infanterie territoriale (ce n’était pas un régiment de la Territoriale, mais de première ligne) comme sous-lieutenant. Il ne parait pas être très enchanté de se retrouver parmi ces mangeurs d’ail ! (Le 95ème RI était originaire de Bourges, sa devise : « Debout les morts ») Je lui répondrai demain.

Voilà ma journée, une de plus, triste et longue à vivre…  et sans espoir.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Samedi 22 juillet

Au sud de la Somme, l’ennemi a lancé une contre-attaque sur nos nouvelles positions au sud de Soyécourt. Le bataillon de tête, pris sous nos tirs de barrage et nos feux de mitrailleuses, a reflué en désordre, après avoir subi de très grosses pertes.
Dans la région de Chaulnes, un fort détachement ennemi, qui tentait d’aborder nos lignes au sud de Maucourt, a été repoussé à la baïonnette.
Entre Soissons et Reims, au nord-est de Vendresse, nos reconnaissances ont pénétré, à la faveur d’une explosion de mine, dans une tranchée adverse, qu’elles ont nettoyée à la grenade.
Grande activité sur le front de Verdun, dans les secteurs de Chattancourt et de Fleury.
Dans les Vosges, une tentative d’attaque sur nos positions au nord de Wissembach, est restée sans succès.
Nos escadrilles d’avions ont bombardé les gares de Conflans, Mars-la-Tour, Longuyon, Brieulles et la bifurcation de Ham.
Les Allemands ont bombardé les villes ouvertes de Baccarat et de Lunéville et jeté des obus sur Belfort.
Intense activité de l’artillerie belge au sud de Nieuport.
Une grande manifestation a eu lieu à Rome en l’honneur de Battisti, le député de Trente, pendu par le bourreau de Vienne. La foule a crié:  » A bas l’Allemagne! ».

Source : La Grande Guerre au jour le jour


Soyécourt