Cardinal Luçon

Vendredi Saint 21 avril – Nuit tranquille. A 11 h. bombes sifflantes pas loin de nous ; éclats sur toitures des maisons voisines ou sur la nôtre et dans l’allée, à 4 ou 5 mètres de l’escalier de mon bureau. Via Crucis in cathedrali. Bombes préau du Grand Séminaire, Lycée, maison d’angle de la rue de Contray.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Rue de Contray, Reims
Rue de Contray, Reims

Hortense Juliette Breyer

Vendredi 21 Avril 1916. – Je viens de passer huit jours dans un abattement complet. Impossible de réagir. Je suis sans force et je m’ennuie à mourir. Je t’ai toujours devant les yeux et je voudrais toujours dormir pour oublier.

Aujourd’hui mon Charles, notre coco a trois ans ; il est grand. Triste anniversaire et je voudrais espérer qu’à ceux qui suivront, nous serons réunis. Il y a des jours où je m’en irais loin, bien loin. La solitude des caves me pèse. Tes petits enfants manquent de mouvement puisque avec un pareil bombardement on ne peut les sortir. Et pour partir où ?

Je me décourage. On avait espoir que le mois d’avril ne se passerait pas sans attaque et nous sommes encore au même point. Ce qui me retient aussi, c’est que je pense toujours reprendre mon commerce en quittant les caves. Si j’avais pu prévoir je serais partie dès le début avec mon mobilier, mais on espérait toujours que cela allait finir du jour au lendemain.

Si seulement j’avais de tes nouvelles. Ma pauvre chipette, tu tenais une grande place dans mon cœur. La séparation m’est très dure. Et pourtant j’ai mes deux beaux petits enfants. Si beaux tous les deux …

Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)

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Vendredi 21 avril

En Argonne, à la Haute-Chevauchée, lutte de mines à notre avantage.
Sur la rive gauche de la Meuse, bombardement continu de notre deuxième ligne.
Sur la rive droite nos troupes ont mené contre les positions allemandes, au nord-ouest de l’étang de Vaux, une vive attaque qui nous a permis d’occuper des éléments de tranchée et d’enlever une redoute fortifiée. Cette action a coûté des pertes sérieuses à l’ennemi. Nous avons pris 10 officiers, 16 sous-officiers et 214 soldats, et, en outre, une certaine quantité de matériel.
Aux Eparges, trois attaques allemandes ont été brisées avec des pertes sérieuses pour l’ennemi.
Le président Wilson a fait une déclaration au congrès américain au sujet des rapports avec l’Allemagne. Si le cabinet de Berlin n’abandonne pas la piraterie navale, le cabinet de Washington rompra avec lui.
Un contingent de soldats russes a débarqué à Marseille.
Les Russes anéantissent, en Asie Mineure, des éléments turcs qui arrivaient de Gallipoli.
Dans la région de Dvinsk, ils ont arrêté plusieurs tentatives allemandes.
Les Italiens se sont emparés d’une forte position au col di Lana, dans les Dolomites.

Source : la Grande Guerre au jour le jour.