Abbé Rémi Thinot

11 DECEMBRE – jeudi –

Gare de l’Est – 9 heures soir – Je reprends mon train pour Reims par Dormans ; il part à minuit.

Je suis venu surtout pour préparer ma nomination d’aumônier militaire[1] ; j’ai été reçu hier soir à 5 heures, par M. Léon Bourgeois.

Réception cordiale, très bienveillante dans son palais, 3, rue Palatine.

Léon Bourgeois, dans son immense cabinet de travail, m’a demandé ce que je préférais ; ou bien une lettre jointe à ma demande au Ministre, ou bien une note sur ma demande. C’est à ce dernier parti que nous sommes arrêtés.

« J’appuie de toutes mes sympathies la demande de M. L’abbé Thinot, qui s’est signalé lors des bombardements et de l’incendie de la cathédrale ; sa nomination recevra l’approbation de tous à Reims »

Il paraît que son filleul, le sous-préfet de Reims, M. Dhommée, avait écrit très aimablement en ma faveur.

J’ai montré à Léon Bourgeois la lettre du Cardinal ; « Dites bien à l’archiprêtre de la cathédrale et au Cardinal que j’ai appuyé votre demande de mon mieux »

Cette dernière réflexion à propos de celle que je lui ai faite sur les bons rapports établis, pendant les douloureuses circonstances que nous avons traversées, entre le sous-préfet et M. Landrieux.

J’ai expliqué à M. le Président que je préférais partir comme aumônier militaire plutôt que d’aller grossir un dépôt n’importe où. « Mais cela se comprend, me dit-il ; d’ailleurs, vous ne demandez pas un poste moins périlleux, au contraire ».

Il m’a promis de remettre lui-même ma demande aujourd’hui au Ministère de la Guerre qu’il devait rencontrer dans une réunion. J’ai recommandé à la petite secrétaire de rafraîchir la mémoire du Président à cet endroit, au bon moment. L’aura-t-elle fait ?

Vu M. Eulart (conservateur du musée du Trocadéro. Il me dit que M. Margotin s’est montré à Reims au-dessous de tout, qu’on le sait, et que c’est Deneux très probablement qui sera chargé de la restauration.

On ne réparait pas la toiture ; « Nous n’avons pas d’argent et nous ne trouverions pas de bois »

  1. Eulart est d’avis qu’on ne répare pas les statues du portail. On murerait le porche gauche et on mettrait une plaque commémorative pour que, à l’encontre de 1870, on se souvienne de 1914. Par ailleurs, on rendrait la cathédraleau culte au plus tôt.

Il prétend que, comme la cathédrale de l’Ile de Chypre, très abîmées par les Turcs en 15.., un simple toit plat pour l’écoulement des eaux suffirait à bien préserver 1Tédifice.

Vu M. Gastoné ; mardi à 5 heures, j’ai conduit le salut solennel de L’Immaculée Conception, chanté par la chorale du Collège Stanislas à Notre-Dame des Champs. Pauvre chorale ! des enfants qui sont sans zèle, sans attention…

L’O vos…. a été misérable, le reste à l’avenant.

[1] Circulaire ministérielle du 12 novembre 1914, signée par Millerand, sur les aumôniers militaires volontaires https://fr.wikipedia.org/wiki/%C5%92uvre_des_aum%C3%B4niers_volontaires

Extrait des notes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à ReimsAvant en 2017 pour numérisation et diffusion par Gilles Carré.

Louis Guédet

Vendredi 11 décembre 1914

90ème et 88ème jours de bataille et de bombardement

6h1/2 soir  Même nuit, même journée que la précédente : nos canons cependant tonnent fortement et les leurs ne paraissent pas répondre. En ce moment, pluie diluvienne. Tout à l’heure M. Auguste Bernaudat, négociant en grains, 2 rue Gambetta, actuellement lieutenant d’État-major au corps du service d’automobiles me disait qu’il croyait qu’il se préparait quelque chose. Il parait qu’il y a des quantités telles de troupes massées derrière Reims qu’il ne peut que supposer qu’on va faire un effort. Il le voit tous les jours et nous causons ! Il va même me faire viser par le général de son Corps d’Armée mon passeport pour aller à Paris. Probablement jeudi 17 décembre. Il est fort aimable et très intelligent. Je l’ai fait tomber de son haut quand je lui ai conté l’histoire des bidons de pétrole de la tour Nord de la Cathédrale, qui établit nettement la préméditation des allemands d’incendier la Cathédrale.

Pourvu qu’il n’arrive rien à la maison quand je serai parti ! Dieu protégez-la ! Protégez-moi et que mon voyage soit un voyage heureux, joyeux avec de très bonnes nouvelles.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

Nuit calme.

Violente canonnade de notre part, dans la journée.

– Le soir, lorsque je retourne rue Bonhomme, l’obscurité est si complète que je ne puis apercevoir une voiture rencontrée rue Cérès – voiture de ravitaillement, sans doute, descendant du faubourg. Je l’entends s’approcher et le passage sur la chaussée était très limité, entre les tas de décombres existant depuis longtemps à droite et à gauche, je dois m’arrêter et chercher à me garer comme je le puis, sur le côté, afin de laisser passer. Elle s’éloigne. Je me suis rendu compte que le conducteur marchait à côté de son cheval, mais je suis resté invisible pour lui comme il l’a été pour moi ; cependant, en raison du peu de place disponible, je l’ai senti me frôler. Bon sang ! qu’il fait noir la nuit à Reims, en cette triste saison.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Rue de la Gabelle qui donne dans la rue Cérès
La rue de la Gabelle qui donne dans la rue Cérès

Cardinal Luçon

Vendredi 11 – Nuit tranquille. Visite à Madame Kunkelmann, malade. Visite au Général de brigade Rouquerol.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

Eugène Chausson

11 Vendredi. Comme la veille.

Peu de réponse.

Carnet d'Eugène Chausson durant la guerre de 1914-1918

Voir ce beau carnet visible sur le site de petite-fille Marie-Lise Rochoy


Vendredi 11 décembre

Nos troupes enlèvent de nouvelles tranchées allemandes dans le Santerre, dans l’Argonne et sur Hauts-de-Meuse. Nos aviateurs lancent une seconde fois, et avec succès, des bombes sur la gare et sur les hangars d’aviation de Fribourg-en-Brisgau.
L’escadre anglaise de l’amiral Sturdee détruit, dans l’Atlantique du Sud le croiseur Nurnberg, qui avait échappé à la première bataille. Elle poursuit toujours le Dresden.
On annonce que Guillaume II devrait renoncer à toute occupation et qu’il passerait au kronprinz le commandement suprême des forces allemandes.
L’armée anglo-indienne a occupé dans l’Asie turque, toute la ligne du Chatt-el-Arab, qui résulte du confluent du Tigre et de l’Euphrate. Des fusiliers marins britanniques ont pris terre à Moka, sur le littoral arabique de la mer Rouge.
L’état-major austro-hongrois avoue l’échec grave que les Serbes lui ont infligé du 4 au 7 décembre.

Source : La grande Guerre au jour le jour