Louis Guédet

Jeudi 13 avril 1916

579ème et 577ème jours de bataille et de bombardement

10h matin  Nuit tranquille, vent de tempête, pluie battante et froide. Reçu la visite d’un fils de M. Paul Henriot, sous-lieutenant au 82ème d’artillerie lourde, 3ème groupe, en ce moment cantonné ici chez Mme Pierre de la Morinerie, rue Werlé 7 et 9, pour une clef de garage d’une maison leur appartenant, dans laquelle se trouve l’auto de leur locataire, M. Thaon, officier tué au commencement de la Guerre. Nous causons de la situation de notre ville et de la conduite des officiers à l’endroit des Rémois, il la qualifiait de verte façon, disant que c’était honteux ! Entre autres choses il me dit que quand des officiers viennent à la Direction demander des billets de logement et de cantonnement on leur répond : « Comment ? Vous êtes encore là ? C’est inutile ! Quand on veut se loger on n’a qu’à choisir un immeuble qui parait devoir faire votre affaire et on enfonce les portes !! » Voilà la mentalité de ces galonnards-là !! C’est honteux !! Et le pillage !!…

6h soir  Été cet après-midi rue du faubourg Cérès (rue Jean-Jaurès depuis 1921) pour un inventaire pour Jolivet, de là poussé jusqu’à la brasserie Veith, boulevard Henri Vasnier, 4, pour causer avec M. et Mme Veith (Frédéric Veith (1844-1924) et Thérèse Veith (1866-1928)) de leurs intérêts qu’ils ont l’intention de le confier ! Il doit me remettre son testament ces jours-ci. Ceux-ci sont réfugiés dans leurs germoirs avec leurs ouvriers et bien à l’abri du bombardement. Durant que j’y étais cela bombardait pas mal, et ils sont aux premières loges, près de l’asile de nuit et des caves Pommery ! Je suis revenu par la rue du Barbâtre et le rue de Venise. Il y a pas mal de nouveaux dégâts. Le temps a l’air de vouloir se mettre au beau.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Jeudi 13 – Nuit assez bruyante autour de Reims, mais tranquille en ville ; + 7°. Vers 8 h. 1/2 bombes sifflent tombant sur batteries. Item à 2 h. Lettre d’Amiens. Réunion provinciale fixée au 26 avril ; écrit pour cela à Beau­vais. Écrit au Card. Gasparri pour envoi d’argent à nos prêtres des Arden­nes par le Vatican et Mgr de Mauras.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

 Juliette Breyer

Jeudi 13 Avril 1916. La bataille autour de Verdun s’étend et devient plus violente. Les boches ne gagnent pas malgré leurs gaz et leurs jets enflammés. Ils ne peuvent arriver à rompre notre front, mais que de pauvres soldats qui tombent ! C’est affreux une guerre pareille. Qui aurait pensé qu’il existerait de telles cruautés ? Te rappelles-tu ma chipette, il y a trois ans quand j’étais pour avoir André ? Etions nous heureux ! Je ne travaillais pas, je t’attendais ; Que de bonheur nous avions !

C’est que notre coco va avoir trois ans. Que dois-tu penser ? Tu dois le représenter fort et intelligent. Et notre fifille, 15 mois aujourd’hui et c’est ton portrait frappant. Oh si tu nous revenais, que notre vie serait belle ! J’espère toujours, mais le temps est long…

Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)

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Jeudi 13 avril

Sur la rive gauche de la Meuse, les Allemands ont lancé une attaque avec emploi de liquides enflammés sur nos positions du bois des Caurettes entre le Mort-Homme et Cumières ; ils ont été refoulés.
Sur la rive droite, l’activité d’artillerie a été grande entre Douaumont et Vaux, mais l’ennemi n’a pas renouvelé ses attaques. On confirme qu’il a subi de très grosses pertes dans ce secteur, pendant les journées précédentes.
Sur le front britannique, combat de grenades à l’est de Saint-Eloi avec des alternatives diverses. Grande activité d’artillerie en face de Wytschaete. Un taube a été descendu.
Les Italiens ont appelé un certain nombre de contingents de diverses classes.
L’Autriche n’arrive pas à boucler son emprunt.
L’Allemagne a fait remettre sa réponse au cabinet de Washington, au sujet du Sussex.
Des manifestations de femmes affamées ont eu lieu à Athènes devant le Parlement.
L’Allemagne a institué le recensement du sucre.
Les parlementaires français ont visité les chantiers de la Clyde (Écosse).

Source : La Grande Guerre au jour le jour

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