Louis Guédet

Vendredi 18 février 1916

524ème et 522ème jours de bataille et de bombardement

8h soir  Nuit calme. Journée de même, mais triste, sombre, froide et glaciale. Pluie, vent, de vraie journée de glace. Triste et lugubre et Dieu sait combien avec la tristesse, le morne et le lugubre de la ville. Aussi ai-je eu une après-midi plus que pénible à passer. J’ai souffert !!!…  Je ne puis le dire ni l’exprimer. C’était de l’angoisse…  et je ne sais pourquoi ! mais que c’est pénible…  et quelle vie misérable. J’avais beau m’acharner au travail, malgré moi je pleurais, en songeant à ma femme, à mes enfants. Non, c’est trop, et je crois vraiment que je tomberai.

Ce matin audience de conseil de famille, de conciliations, etc…  En ce moment j’ai une coterie d’agents d’affaires véreux qui veulent absolument me berner. Je suis décidé à les briser pour m’en débarrasser une fois pour toutes. C’est odieux, honteux. C’est la coalition pour ne pas payer ses loyers coûte que coûte et certains gagnent plus que jamais ils n’ont gagné avant la Guerre. Bref il faut que je brise cet obstacle et je vais voir le Président pour qu’il abonde dans mon sens, et ce ne sera que juste et en même temps le monde sera averti qu’il y a encore des juges à Reims pour condamner les gens de mauvaise foi. Leur idée : Employer tous les moyens pour ne pas payer jusqu’à la fin de la Guerre et au juge auquel nous dirons que nous ne devons rien !…  Et le tour sera joué. Tout une bande est organisée dans ce sens et même en va presque jusqu’à me faire sentir qu’on me le fera…  payer. Ils se trompent à mon endroit s’ils croient ainsi me faire reculer, ce sera tout le contraire.

Absence des feuillets 295 à 297.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

18 février 1916Le Courrier donne le compte-rendu de la réunion du Conseil municipal, qui s’est tenue le mercredi 16, à 15 h. sous la présidence de M. le Dr Langlet, maire et à laquelle étaient présente : MM. Bataille, de Bruignac, Em. Charbonneaux, Chezel, Demaison, Drancourt, Houlon Gustave, Jallade, Lapchin, Pierre Lelarge, Mennesson-Dupont.

Nous y lisons ceci :

…M. le maire donne lecture des divers chapitres de recettes et de dépenses du budget communal proposé pour 1916. Par suite de l’état actuel de notre ville, quelques-uns de ces articles ne figurent que pour ordre. On conçoit que le résultat présente un déficit considérable, soit .-

— Total des recettes

ordinaires et extraordinaires 1 066 272,06 F
— Total des dépenses
ordinaires et extraordinaires 5 061 258, 40 F

Déficit prévu 3 974 896,34 F

pour lequel des pourparlers avec l’Etat permettent d ’escompter qu’une partie sera prise en charge par lui.

M. Demaison demande des félicitations pour le personnel du Service des eaux qui, par son zèle et son dévouement, a pu assurer une distribution constante malgré le danger.

Le Conseil adopte.

 Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Vendredi 18 – Nuit tranquille sauf gros coups de canon ou bombes au loin. Vers midi lourde canonnade au loin. Visite du Colonel cantonné à Chamfleury, parent de Mgr Soubiranne, marié avec la nièce de Mgr, sœur de M. Louis Soubiranne, mort il y a un an ou 2, à 52 ans, – M. Do mort il y a trois ans à 60 ans.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

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Vendredi 18 février

Tirs de destruction en Belgique sur les organisations allemandes vers Steenstraete et en face de Boesinghe.
En Artois, aux abords de la route de Lille, l’ennemi a fait exploser une mine dont nous avons occupé l’entonnoir.
Entre Soissons et Reims, nous avons canonné des troupes en mouvement vers Condé-sur-Aisne et bombardé des ouvrages au nord de Soissons. L’activité d’artillerie est, en général, plus faible.
L’artillerie belge a pris sous son feu une colonne d’infanterie à Schoore.
Le président de la République et le tsar ont échangé des télégrammes à propos de la prise d’Erzeroum.
Les combats sont moins violents sur le front russe, de la Courlande à la Galicie.
Le général Sarrail a prescrit un raid d’avions de représailles au-dessus des campements bulgares de Stroumitza-ville, qui ont été bombardés.
La chambre grecque a entendu un débat passionné au sujet de l’intervention italienne dans les Balkans.
Les pro-germains ont fait sauter le club américain de Toronto (Canada).
Tout est remis en question à propos de la politique navale entre l’Allemagne et les États-Unis, et l’opinion dans l’Union se montre plus ferme que jamais à l’encontre de l’empire germanique.

Source : La Grande Guerre au jour le jour