Louis Guédet

Lundi 15 mars 1915 

184ème et 182ème jours de bataille et de bombardement

6h soir  Journée de bombardement. A 11h incendie du Tonneau d’Or, en face de Decker rue de Talleyrand. Tout autour de l’Hôtel de Ville. Ensuite dans le cours de la journée. Mais tout cela me laisse indifférent. Au milieu de mes ruines, je ne ressens plus rien. Déjeuné au Cercle, rue Noël, avec Goulden, Robert Lewthwaite, Emile Charbonneaux, Pierre Lelarge, M. et Mme Léon de Tassigny, Charles Heidsieck qui m’avait invité.

Le quart de feuillet suivant et les pages suivantes ont été supprimés et  les journées suivantes ont été recopiées sur des feuillets de format 20cmX15cm, très vraisemblablement par son épouse Madeleine Guédet.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

À 8 h 50, deux obus éclatent à proximité de l’hôtel de ville ; c’est le sujet de conversation quelques minutes après, au bureau, puisque nous nous en approchions pour l’entrée à 9 heures.

À midi, les sifflements reprennent. Je les entends tout le temps que je mets pour gagner la place Amélie Doublié où je vais déjeuner. Ils continuent l’après-midi.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Lundi 15 mars 1915, deux obus éclatent à proximité de l’hôtel de ville

Cardinal Luçon

Lundi 15 – Nuit comme la précédente. Canonnade toute la journée au loin. En ville, canonnade et bombes par intervalles.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Hortense Juliette Breyer

Lundi 15 Mars 1915.

Toute la journée et surtout de midi à 5 heures, violente canonnade de part et d’autre, et en plus bombardement de la ville. Ton parrain, en rentrant à midi, nous a dit qu’au Petit Tonneau d’Or rue de Talleyrand il y avait le feu produit par leurs bombes incendiaires. Sur le quartier de Cernay il en tombait jusqu’à quatre d’un coup.

Maria est allée chez elle et elle n’était pas crâne. Elle a été dire bonjour chez vous et nous a dit que le parrain Jean-Pierre avait été administré. C’est vrai que ce n’est pas la première fois.

Si tu savais mon pauvre Lou, comme je suis découragée. Hier dimanche je suis allée jusqu’aux caves voir mon coco. Je ferais mieux de ne pas y aller ; je m’ennuie plus après et lui s’ennuie aussi ; il est fou de sa sœur. Maman veut à toute fin que je retourne près d’eux. Ils ne vivent pas de me savoir en danger. « La petite n’en souffrira pas, me dit-elle. Tu ne dois pas l’exposer plus qu’André et tu dois penser à toi aussi. J’en parlerai au parrain et il comprendra ». Je suis ennuyée, vois-tu mon Charles ; je comprends son raisonnement mais j’ai si peur de déplaire à ton parrain et je n’ai plus de volonté.

Je souffre de ma tête, aujourd’hui tout me manque : mon intérieur, mon commerce, et toi mon tit Lou, surtout toi. Plus ça vient et plus je désespère. Sur le journal j’ai encore vu que les grands blessés, les premiers arrivés, étaient à Paris. Je me raccroche à tous les espoirs et aujourd’hui, toute la journée j’ai été avec toi. Je te revoyais quelques jours après notre mariage ; tu me cirais mes chaussures et ton papa est arrivé ; il était heureux de voir que tu m’aidais. J’étais si joyeuse en ce temps là. Qu’en est-il advenu ? Je n’ai plus que du désespoir et mon Charles, si tu as le bonheur un jour de lire ce cahier, tu pourras te dire que ta petite femme t’aime et t’aimera toujours. Ma peine est grande. Oh si tu revenais, pauvre crotte ! J’oublierais tout …

J’arrête, je ne t’en dis pas plus long. Je suis toute seule avec ma petite Blanchette. Je vais pouvoir pleurer tout à mon aise.

Tout mon cœur et toujours.  Ta Juliette.

Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL

De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)

Il est possible de commander le livre en ligne


en savoir plus : Exposition du centenaire de la guerre 14-18 à Warmeriville