Louis Guédet

Lundi 23 juin 1919

1746ème et 1744ème jours

6h soir  Temps couvert lourd. Est-ce la pluie ? Rien de saillant, du monde. Demain je serai obligé d’aller à Épernay avec Jolivet pour nous entendre avec le Président du Tribunal de Reims sur la formule d’inséré dans nos ventes d’immeubles avec dommages de Guerre pour obtenir l’autorisation du Président prévue par l’article 9 de la loi du 18 avril 1919. Voilà les corvées qui vont commencer… Et puis je suis bien las. Lettre de ma pauvre femme qui ne me dit rien de bien saillant. Vu hier soir l’abbé Andrieux qui est sollicité par une agence de voyages à Reims pour faire aux visiteurs des lieux chaque jour une conférence de 20 minutes sur l’incendie de la Cathédrale. Est-ce bien sa place ??? on lui offre 0,50 par visiteur, lui demande 1 Franc !!!!

9h soir  Les bourdons sonnent. C’est donc la Paix !! Puisse-t-elle durer toujours ! Hélas !! Paix bien mal bâclée !! Et puis avec les Prussiens, ces sauvages-là sait-on jamais !! Ils ne voudront jamais s’avouer vaincus !! Voudront-ils reprendre leur revanche dans 5, 10 ou 15 ans !!… Les Bourdons sonnent !! C’est peut-être la joie pour beaucoup, mais ces bourdons que j’entends pour la 1ère fois depuis 5 ans !! ne me sonnent que tristesse, souffrance !! L’avenir est si sombre pour moi ! Et puis ! Quand je songe à ce que j’ai souffert depuis 1914 !!! Je ne puis être bien gai !! La joie est morte pour moi.

Ainsi donc mon journal de Guerre s’arrête et se clos au 1746ème jour anniversaire des combats autour de Reims et du 1744ème jour de bombardement.

Je suis seul pour cette heure mémorable, seul loin de tous les miens ! seul et abandonné !! Je n’ai que des larmes et le cœur serré !!

Les Bourdons et les cloches de Ste Geneviève et de St Maurice, de St Remy, sonnent ! Puissent-ils m’apporter prospérité et bonheur pour tous les miens !!!

Les deux bourdons ont sonné durant 10 minutes exactement.

Non, je ne me serais jamais figuré que cette Paix tant désirée par tant de gens me laisserait tant de tristesse au cœur !! Pourvu qu’elle dure !! et que je ne vois plus un cataclysme semblable à celui que je viens de traverser au milieu du sang, du fer, du feu et des flammes. Oh ! que je suis triste !

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Lundi 23 – Rentrée à Reims. Visite à M. le Curé de Mohon. Les bourdons sonnent pour la signature du Traité de Paix.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

 


Lundi 23 Juin

M. Bauer a été chargé de constituer le cabinet à Weimar. Il a pris avec lui Erzberger, Noske, Hermann Muller.
M. Tittoni et M. Luzatti ont refusé leur concours à M. Nitti que Victor Emmanuel III avait investi de la mission de former le ministère.
Le Parlement suédois est dissous.
Le cabinet Bratiano est branlant à Bucarest.
Les marins allemands ont saboté leurs navires internés dans les eaux écossaises. Seul le Baden reste à flot.
Les Anglais ont battu les Kurdes en Mésopotamie.
Le chef du Sinn Fein, de Valera, est arrivé à New York.