Louis Guédet
Samedi 11 janvier 1919
1583ème et 1581ème jours
9h matin Pluie battante, glaciale, (rayé). Hier mise en bière de mon pauvre Père. Reçu lettre du Comte de Riocour très affectueuse, très aimable. J’en ai été très touché. Il témoigne de sentiments très élevés pour mon Père. Je lui ai répondu, et écrit au Docteur Lévêque pour lui faire part, tout en lui disant que selon le désir de mon Père je n’avais fait aucune invitation. Alips, le fermier, et Caillot, conseiller ont pris la garde de nuit à 9h et ont été relevés par Marguet, qui aimait beaucoup mon Père et Bouillot notre domestique.
Ce matin mis le cercueil dans le corridor pour l’ultime départ. Mon pauvre père va donc quitter sa maison qu’il n’avait jamais quittée depuis sa plus tendre enfance sauf pour ses études au Petit Séminaire de Châlons et le Collège de Vitry-le-François où il a été jusqu’à sa rhétorique, puis revenu chez lui à la suite de la mort en quelques mois de sa mère et de son père, le laissant orphelin à 17 ans 1/2. Il reprit la culture et ne quitta plus sa chère maison.
Je suis fort délabré, il me semble être une lamentable épave ballottée par les flots au gré des vents ! J’aurais passé par toutes ces épreuves, et Dieu sait si elles ont été cruelles, et je suis là, seul, sans rien, rien.
6h soir Tout est consommé. L’enterrement a eu lieu à 11h, et à midi la tombe se refermait pour toujours sur mon père près de ma mère. Elle ne s’ouvrira plus jamais pour personne !! Car où irais-je laisser mes os ! Je ne sais ! et peu m’importe ! Le monument est replacé. C’est fini !!
Tout le village était représenté et a été touchant d’affection pour la mémoire de mon pauvre Père. M. le curé Adam, curé de Cheppes et de St Martin, a dit quelques mots charmants sur lui avant l’absoute. Discours de l’adjoint Haller, naïf et simple, mais touchant !…
Obsèques simples, sans fastes, en toute intimité. Jeanne Soudant et Henri Guibert (Greffier à Châlons (1882-1969)) étaient venus, et Dieu sait par quel temps. Pluie froide et glaciale.
Détail pénible le fond de la fosse était au niveau de l’eau des débordements de la Marne actuels. C’est douloureux ! J’aurais eu encore là toutes les souffrances, rien ne m’est épargné.
En rentrant après le repas funèbre à l’auberge du village avec tous ces braves municipaux, fermiers, serviteurs, etc… je suis rentré et ai trouvé un courrier fort chargé auquel je me suis attelé jusqu’à maintenant… C’est dur, c’est pénible ! Je n’ai même pas le droit de vivre un peu avec ma douleur et avec la mémoire de mon vieux Père.
C’est fini ! bien fini !! Dors en paix mon vieux Père ! dernier vestige, témoin d’une époque passée !… Je suis seul ! bien seul ! Le nom de Guédet m’est bien lourd d’honneurs à supporter et à continuer.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Samedi 11 – Visite de la famille du Colonel de Taberny. Installation de ma bibliothèque
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Samedi 11 janvier
Le gouvernement a désigné les délégués de la France à la conférence de la paix : MM. Clemenceau, Stephen Pichon, André Tardieu, Klotz, Jules Cambon. Le maréchal Foch fera partie de la conférence comme généralissime des armées alliées. M. Dutasta, ambassadeur à Berne, remplira les fonctions de secrétaire général de la conférence. M. Philippe Berthelot, celles de secrétaire de la délégation française. Il y aura, en outre, un certain nombre de conseils techniques. M. Léon Bourgeois s’occupera spécialement de la Société des Nations.
Le gouvernement d’Ebert et de Scheidemann a regagné sensiblement de terrain à Berlin; 80.000 hommes de troupes sont désormais à sa disposition.
Source : La Grande Guerre au jour le jour