Louis Guédet

Mercredi 11 décembre 1918

1552ème et 1550ème jours

11h matin  Pluie toute la matinée. Fait des comptes. Cela m’a fatigué et il va falloir m’atteler au courrier qui va m’arriver !… De vrais travaux forcés, et je ne me sens guère solide, si c’était la fin ! J’en serais enchanté.

6h soir  Beaucoup de courrier. Lettre de Robert qui m’a tout l’air de décorer les allemands, lettre fort amusante, dans l’une d’elle, dans la chambre où il loge il y avait le portrait de la famille impériale du Kaiser à la place d’Honneur. Le Propriétaire lui demande s’il doit l’enlever. Lui de répondre que cela ne le gêne pas, puis apercevant un Christ mis dans un coin il le prend, fait enlever le Kaiser et y met le crucifix à la place. Il parait que le Boche n’en n’est pas encore revenu !!

Bonnes nouvelles de Jean. Mme Mareschal lui offre l’hospitalité à Nice s’il veut y aller.

J’ai à peu près fini mon courrier, mais je n’en sors pas. Lettre de Melle Valentine Laignier, qui parait bien découragée aussi.

Nous avons le 215e d’Artillerie, nous logeons le lieutenant-colonel qui m’a l’air d’un vrai soldat. Il me rappelle par ses gestes les vieux officiers si bien dépeints par Erckmann-Chatrian. L’officier d’Artillerie faisant arrêter sa batterie pour prendre Joseph Bertha, mourant à la retraite de Leipzig, dans le conscrit de 1813. (Histoire d’un conscrit de 1813, roman historique publié par J. Hetzel en 1864).

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Mercredi 11 – Condoléances au Saint-père pour la mort de son frère. Visite à M. Charles Loiseau, agent officieux entre le Vatican et le Quirinal. Carte chez le Cardinal Torita. Visite au Card. Cagiano, Gasquet, Pourpile, Van Rossum

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mercredi 11 décembre

L’accueil que Strasbourg a fait au gouvernement de la République ne le cède en rien à celui qui a eu lieu à Metz. Ç’a été une journée d’enthousiasme profond et où s’exprimait toute l’âme d’un peuple.
L’armée britannique a atteint le Rhin entre Godesberg et Cologne.
La 3e armée américaine a atteint le Rhin de Rolandseck à Bohl. La ligne générale passe par Rolandseck, Brohl, Wassenach, Munstermaifeld et Rheinbollen.
La cavalerie belge est à Cerdingen.
Le gouvernement britannique a manifesté le désir de proposer à la conférence de la paix la suppression du service militaire obligatoire.
A Berlin, la situation demeure chaotique. Les meetings sont tenus par dizaines par les diverses fractions socialistes qui se menacent l’une l’autre. Mais Liebknecht semble moins abattu qu’on ne l’avait dît, et le gouvernement manifeste des inquiétudes. D’autre part, la réaction s’agite. D’importantes concentrations de troupes ont eu lieu dans la banlieue de Berlin, sous les ordres d’officiers qui refusent de discuter avec les comités d’ouvriers et soldats.
On annonce officiellement que M. Wilson sera le 22, l’hôte du roi d’Italie au Quirinal, et que, le 23, il rendra visite au pape au Vatican.
M. Lansing a fait savoir aux gouvernements de Berlin et de Vienne que s’ils avaient des réclamations à formuler, ils devaient les adresser à tous les alliés et non pas seulement a l’Amérique.
Le prince régent de Serbie a décidé de constituer un nouveau cabinet où entreront des représentants de toutes les parties du nouvel Etat Sud-Slave, qui comprendra, avec l’ancien royaume, la Croatie, la Dalmatie et la Slovénie.
Le Pérou a accepté la médiation de M. Wilson sans son litige avec le Chili.
Le Conseil national slovaque dément qu’il y ait eu des pogroms à Lemberg.
Lloyd George a prononcé un grand discours au sujet de l’abolition de la conscription.
Le comte Romanones a fait une déclaration au Sénat espagnol sur la politique qu’il compte suivre avec le nouveau cabinet.

Source : La Grande Guerre au jour le jour