Louis Guédet

Mardi 10 décembre 1918

1551ème et 1549ème jours

10h matin  Temps gris triste. J’ai mis mon courrier à jour, mais tout à l’heure je vais en avoir encore. C’est un vrai tonneau des Danaïdes, et pourquoi ? Rien ! Résultat négatif !! et c’est tout ! Je me sens fort épuisé ! Si c’était la fin de mes misères ! (Rayé) ! Je n’en puis plus physiquement, moralement ! (Rayé)!

5h soir Pas mal de lettres comme toujours, de la pluie, je ne suis pas sorti. Lettre de mon vieil ami M. de Schoen, 5, rue du Sundgau à Mulhouse, qui me dit qu’il a perdu le sommeil de la joie de se retrouver français ! et qu’il n’a pas encore pu bien se faire à cette idée ! Je lui répondrai sans doute demain. J’aimerais le revoir ! mais je n’en n’aurais jamais sans doute l’occasion, car aller à Mulhouse ce n’est guère probable. Et cependant je serais si heureux d’aller le revoir et de faire un tour par là-bas ! mais je n’aurai pas cette joie, cette satisfaction… !… hélas !! J’ai abandonné tout espoir d’avoir jamais une heureuse satisfaction ici-bas !!

Lettre de (rayé) qui se plaint amèrement du peu de franchise de (rayé) que cela m’étonne ! Il est faux comme un jeton ! et ce n’est pas son (rayé). Ce sont (rayé)!!

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Mardi 10 – Visite au Card. Sannutelli, De Lai. Visite du Rév. Père Abbé Coetlorquet, de Dom Puerago, abbé de Sainte Françoise Romaine. M. et Mme Raffray résidents de France. Visite à Mgr Many qui était malade à Monteverde, aux Card. Ibaretti, Ronarri, Cassetta.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mardi 10 décembre

MM. Poincaré et Clemenceau ont fait dans Metz une entrée triomphale. De vibrants discours ont été prononcés. Le bâton de maréchal a été remis officiellement à Pétain.
La 3e armée américaine a atteint la ligne Meckenheim- Kempenich.
Les combats continuent à Berlin. Le groupe Spartacus y prépare sa revanche. Ebert a refusé la présidence de la République et ordonné de mettre en liberté le Comité exécutif des ouvriers et soldats, mais il a fait entrer de nouvelles troupes dans la capitale.
Des troubles ont eu lieu aussi à Munich où Kurt Eisner a dit intervenir plusieurs fois.
La Suède a rompu avec le gouvernement bolchevik auquel elle reprochait la propagande organisée par l’envoyé Vorovsky.
Une bombe allemande a explosé à Gand en faisant de nombreuses victimes.
MM. Venizelos et Politis sont partis pour la France.
Le prince Alexandre de Serbie a dû ajourner son voyage à Paris car il veut avant tout reconstituer à nouveau le cabinet.
M. Wilson a offert sa médiation au Pérou et au Chili. Cette proposition, que l’Argentine secondera, semble avoir été bien accueillie par le gouvernement chilien.
Un certain nombre de grands industriels rhénans ont été emprisonnés sur l’ordre des conseils d’ouvriers et soldats, et inculpés de haute trahison.

Source : La Grande Guerre au jour le jour