Louis Guédet
Jeudi 3 octobre 1918
1483ème et 1481ème jours de bataille et de bombardement
9h matin Temps couvert gris, pas de gelée. Je me prépare pour aller à l’enterrement de ce pauvre Aubry, encore du temps perdu pour moi, ces enterrements de village n’en finissant pas.
7h soir Eté à l’enterrement d’Aubry, obsèques de village toujours impressionnantes. Beaucoup de courrier. Lettre de Robert qui va bien et qui est vers Ste Marie-à-Py et Sommepy qu’il a visités. Il dit que les boyaux sont horribles à voir. Lettre de Marie-Louise qui va bien. Demain je répondrai à mon courrier.
Aujourd’hui après-midi Maurice désirait depuis longtemps aller à bicyclette à Fontaine (Faux-sur-Coole et Vésigneul-sur-Coole ont fusionné en 1967, Fontaine-sur-Coole a été absorbé en 1970). Le temps frais et ensoleillé était magnifique, nous sommes partis vers 2h1/2. Nous sommes donc partis par le chemin de la Voie des Vaches que nous avons quitté au-delà de la côte des Grands Monts pour prendre la route de Cheppes à Fontaine, qui est continuellement plate. Arrivé à la Voie Romaine de Châlons à Bar-sur-Aube nous nous sommes arrêtés, et Maurice, intéressé par ce chemin Romain voulu le suivre jusqu’à Vésigneul-sur-Coole, chemin que nous avons fait à pied, conduisant nos bicyclettes à la main. Impossible de rouler au milieu de ces fondrières. Traversé Vésigneul qui est bondé de troupes ainsi que Fontaine-sur-Coole. Des Chasseurs à pied du 10e Bataillon. Entre Vésigneul et Fontaine j’arrête un cycliste militaire qui me vend 2 journaux, L’Écho et le Petit Parisien. Ils annoncent la prise de St Quentin et l’incendie de Cambrai.
Le Lieutenant-colonel Ronarc’h dans le Petit Parisien réclame qu’on décide que pour chaque ville détruite on signifie aux allemands qu’une de leurs villes sera détruite en représailles et de la même façon. Ils ne comprendront que cela ces sauvages-là !
Nous traversons le ban de Montsuzon à Fontaine, visitons l’église (église St Jean Baptiste du XIIe siècle) et reprenons le chemin du retour par la nouvelle route de Fontaine à Vitry-la-Ville. Maurice parait enchanté de sa promenade. Promenade charmante par ce temps magnifique et du reste les points de vue ne manquent pas du haut des hauteurs qui permettent de voir les environs à 10 lieues (20 kilomètres) à la ronde. Spectacle magnifique du haut de la Côte de Bar (chemin Romain !) par une atmosphère très pure et très claire. Le retour à travers sapins par cette route de Vitry-la-Ville large comme une grande route nationale est charmante au soleil couchant. Maurice parait enthousiasmé !
A Vitry-la-Ville arrêt à la Poste pour le communiqué. Nous avons repris nos positions d’avant mai 1918 autour de Reims, La Neuvillette, Courcy, Loivre, Cormicy, etc… Nous rentrons à la maison, il est 6h. Maurice pas fatigué et surtout enchanté d’avoir enfin réalisé son rêve d’aller jusqu’à Fontaine-sur-Coole. Du reste par ce temps c’était vraiment idéal.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Jeudi 3 – 9 h, Départ pour Angers, conduits en automobile par M. Griffon. Temps splendide. Trouve à l’Évêché Mgr Charmeloup, venu dans sa famille. Dine avec lui à l’Évêché.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Jeudi 3 octobre
D’importants résultats ont été acquis par nos troupes dans la région de Saint-Quentin. Poursuivant l’ennemi en retraite, elles ont pénétré dans la ville jusqu’au canal, puis elles ont rejeté les Allemands sur la rive est.
Sur le front de la Vesle, les Allemands ont été contraints d’abandonner les plateaux entre l’Aisne et la région de Reims. Nous avons occupé Maisy et Consevreux, Meurival, Ventelet, Bouvancourt, Trigny, Chenay, Merfy, Saint-Thierry, Pouillon, Thyl.
2100 prisonniers ont été dénombrés. Nous avons capturé une vingtaine de canons, dont dix de gros calibre.
En Champagne, la 4e armée a accru ses avantages. Nous avons atteint les abords sud de Challerange.
Les Anglais ont progressé à l’est de Levergies, enlevé Joncourt, Estrées, chassé l’ennemi des hauteurs au sud du Catelet, brisé des contre-attaques entre Cambrai et la Sensée, avancé à l’est de Tilloy et aux environs de Blêcourt.
En septembre, les troupes britanniques ont fait 66300 prisonniers et capturé 700 canons. En août et septembre, elles ont fait 123.618 prisonniers et pris 1400 canons.
Les Anglo-Belges ont progressé vers Hooglede et Roulers. Les troupes britanniques ont enlevé Ledeghem, sur la ligne ferrée de Roulers à Menin, et franchi la Lys, entre Werwicq et Commines.
Damas, avec 7000 prisonniers, est tombée aux mains du général Allenby.
Source : La Grande Guerre au jour le jour