Louis Guédet

Jeudi 24 octobre 1918

1504ème et 1502ème jours

8h matin  Temps magnifique, un temps à alouettes !! En tirerais-je plus jamais ! Je ne le crois pas, car plus de fusil et il faut que je retravaille comme un galérien qui ne verra jamais la fin de sa peine.

Je me prépare à partir demain ! mais quelle impression pénible et lourde j’ai de ce voyage ! Et une lassitude ! Je suis comme le naufragé accroché à une épave au milieu de l’océan !! sans secours, sans espoir ! autre que la catastrophe finale ! Oh !  C’est la seule (rayé) que puisse (rayé)! Mais la (rayé) de moi ? Je ne sais après (rayé) à Reims !! (Rayé) car si j’ai (rayé) par un (rayé) ou un 210 ! Voilà toutes (rayé)!

2h1/2 soir  Du courrier, en masse. Déblayé tout cela fébrilement. Reçu d’Heckel le Figaro du 22, dans lequel Polybe (Joseph Reinach, journaliste, chroniqueur au Figaro, ancien chef de cabinet de Léon Gambetta (1856-1921)), dans un article de fond demande que le Congrès de Paix ait lieu à Reims ! Le Congrès de Reims. Comme le Congrès de Vienne ou de Paris !! si on avait encore le Palais de l’Archevêché ce serait parfait, et au milieu de nos ruines !! à l’ombre du squelette de la Cathédrale !!! Oui, mais où loger tous les plénipotentiaires ! ceux de l’Entente, bien entendu, car pour les allemands, autrichiens, bulgares, turcs et russes, je proposerais de les parquer sur la Place du Parvis, en plein air, entourés de fils de fers barbelés et de mitrailleuses…  allemandes !!! Des balles françaises ne doivent pas se souiller à leur contact le cas échéant !!

Je pars toujours demain matin, et j’ai pu faire tous mes dossiers. Quant à mes rendez-vous ? Ce sera l’affaire Renard qui en décidera !! quel cauchemar que ce rendez-vous Renard à Saint-Cloud !! En sortirons-nous ? J’ose l’espérer !

Le temps s’est couvert et est tout à fait maussade. Peu m’importe si nous n’avons pas de pluie.

5h soir  Reçu une lettre ou 2 relatives au projet de loi (article 12) concernant nos réparations des dommages de Guerre comme officier ministériel. Harel demande le rachat, Thiénot trouve l’article 12 équitable.

Pour mon compte je demanderai qu’on me donne déjà une indemnité de perte sur notre capital (prix d’Étude (achat ou vente)) et en plus une indemnité correspondant à nos pertes de revenus durant la Guerre, laquelle nous serait versée pendant 5 ou 10 ans. Ce serait juste et équitable.

Enfin on verra !! Nous ne pouvons que perdre, car nous ne sommes pas considérés comme des victimes de la Guerre !!!! Les notaires (rayé) faire ! (Rayé) d’indemnité.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Jeudi 24 – Confirmation des enfants Bataille à la chapelle. Retenu à diner Mgr Pechenard et le doyen d’Attigny. Visite de Sœur Germaine de l’Union Remo-Ardennaise ; de Mme Lancereaux, de M. le Cure de Saint- Sulpice

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173


Jeudi 24 octobre

L’ennemi a cherché à se maintenir sur la Lys et le canal de Deynze à la frontière hollandaise. Il a échoué dans plusieurs attaques aux alentours de Peteghen.
L’armée belge a franchi le canal de dérivation. Les Allemands ont dû jeter 200 voitures dans le canal de Bruges à Gand, près de Miserge (ouest de Saint-Georges).
L’armée française a déployé, au sud de Deynze, la tête de pont sur une profondeur de trois kilomètres. 1100 Allemands ont été faits prisonniers.
La 4e armée anglaise a avancé son front de 1500 mètres, entre Lys et Escaut.
Les troupes britanniques sont entrées dans les faubourgs ouest de Valenciennes et ont pénétré dans la forêt de Raismes. Elles ont progressé à l’est de Saint-Amand. A l’ouest de Tournai, elles ont enlevé le village de Troyennes.
Sur le front de la Serre, nous avons contraint l’ennemi à un nouveau recul. Nous avons pris Chalandry et Grandlup. Notre ligne borde la Serre jusqu’à Mortiers. Les Allemands ont été repoussés à l’est de Vouziers. Les troupes tcheco-slovaques ont pris le village de Terry.
Les Allemands ont été, par trois fois, repoussés de Thann.
Le président Wilson répond à Max de Bade. Il transmet aux alliés l’offre d’armistice pour qu’ils statuent sur les conditions, mais celles-ci seront telles que l’Allemagne ne pourra, en aucun cas, reprendre les hostilités. En ce qui concerne la paix, on exigera, une capitulation pure et simple, si le gouvernement germanique n’est pas radicalement transformé.
Sur le front italien, le feu de l’artillerie s’est intensifié au mont Grappa.
Des détachements français ont opéré sur le plateau des Sette Communi au mont Sisemol, ont battu la garnison et capturé 23 officiers et 700 hommes.
Les Anglais, au sud d’Asiago, ont fait 214 prisonniers. Les italiens ont capturé une centaine d’hommes au mont Valbella.

Source : La Grande Guerre au jour le jour