Louis Guédet
Dimanche 6 octobre 1918
1486ème et 1484ème jours de bataille et de bombardement
8h matin Temps couvert, froid. Messe à 9h, nouvelle heure, heure normale. Courrier assez chargé. Nouvelles des Schultz. Je répondrai dès que je puis car à 11h Grande nouvelle.
11h Un jeune enfant de Vouciennes arrive à bicyclette m’apporter un mot du Docteur Lévêque de Togny, me disant :
Togny 6 octobre 1918
Mon cher ami,
J’ai reçu cette nuit à 11h du soir dépêche du Préfet de la Marne à Langlet, qui est à Paris, une dépêche ainsi conçue :
« Reims complètement dégagé, nous sommes à Nogent l’Abbesse, Brimont, Fresnes, Pontfaverger ».
Je vous en donne la primeur et vous envoie ainsi qu’aux vôtres mes sentiments affectueux.
Votre F. Lévêque
L’original de cette lettre est joint aux Mémoires.
Voilà donc Reims dégagé.
Vers 3h je vais à Togny remercier le docteur, et en route je vois à Vitry-la-Ville le communiqué qui dit que nous tenons les Monts de Champagne, encerclons Nogent l’Abbesse et Berru, que nous sommes maintenant vers Bourgogne, Fresnes, Bétheniville et aussi toute l’Aisne, etc… Si la garnison boche est prisonnière à Berru et Nogent, si j’étais Général, je passerais cette garnison au fil de l’épée pour venger Reims.
En même temps on me communique le Matin où on dit que les allemands demandent un armistice et la Paix ! Ah ! Non ! alors j’espère bien !! C’est le cri unanime. Il faut que nous allions en Allemagne porter le feu et les tueries chez Eux. Il faut bien faire voir ce que c’est que la Guerre !
Lettre de Louis Guédet adressée au Procureur de la République
JUSTICE DE PAIX des quatre cantons de Reims.
Cabinet du Juge
St Martin (Reims) le 6 octobre 1918
Monsieur le Procureur de la République,
Le Docteur Langlet, maire de Reims, me communique à l’instant une dépêche du Préfet de la Marne qui lui est parvenue cette nuit à 11h lui annonçant que Reims est dégagé et que nous sommes à Nogent l’Abbesse, Brimont, Fresnes, Pontfaverger.
Je viens donc me tenir à votre disposition si je puis vous être utile en quoi que ce soit et attends vos ordres.
Veuillez agréer, Monsieur le Procureur de la République…
Le double du courrier original qui est joint aux Mémoires.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Dimanche 6 – Je pars pour la Grand’Messe à la Cathédrale. On ouvre machinalement les journaux : j’y vois que les Allemands ont abandonne nos forts ; je n’en pouvais croire mes yeux. C’était vrai ! Assiste à la Grand’Messe en cappa dans la Cathédrale de toutes mes ordinations. Parlé après l’Évangile de Reims pendant la guerre. Le soir à 5 h. réunion de nos réfugiés à la chapelle des Ursulines. Visite du Préfet de Maine-et-Loire, qui vient nous voir dans le couvent
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Dimanche 6 octobre
Nos troupes ont pris une part active à la dure bataille engagée au nord de Saint-Quentin. Nous nous sommes emparés du Chardon-Vert, au sud de Sequehart, et de plusieurs bois fortement organisés.
Plus au sud, nous avons, pris pied dans Lesdins et enlevé Morcourt. L’ennemi à contre-attaqué violemment à plusieurs reprises. Tous ses efforts ont été brisés. Nous avons fait 400 prisonniers et pris 4 canons lourds.
En Champagne, les troupes franco-américaines ont remporté de sérieux avantages. Sur notre gauche, nous avons poussé nos lignes à plus de quatre kilomètres au nord d’Auberive et à huit kilomètres au nord-est de Somme-Py jusqu’à Arnes. Nous avons conquis les villages de Vaudesincourt, Dontrien, Saint-Souplet, les bois de la région de Grand-Bellois.
Plus à l’est, nous avons progressé jusqu’aux abords de Saint-Etienne-à-Arnes et pris pied sur le plateau d’Orfeuil. Le village de ce nom a été enlevé, nous avons évacué Challerange.
Les Anglais ont progressé aux abords de Cambrai.
Le repli de l’ennemi se poursuit dans le secteur Lens-Armentières. Les éléments britanniques avancés ont atteint Wavrin et Erquinghem, à l’ouest d’Haubourdin.
La dernière attaque effectuée sur le front belge a donné à nos alliés 10500 prisonniers, dont plus de 200 officiers, 350 canons, 200 mortiers de tranchées, 600 mitrailleuses.
On donne pour faite l’abdication du tsar de Bulgarie.
Source : La Grande Guerre au jour le jour