Louis Guédet

Jeudi 1er août 1918

1420ème et 1418ème jours de bataille et de bombardement

9h matin  Temps magnifique. Nuit calme de nos côtés. Cependant hier vers 10h, toujours vers la même heure, Châlons a dû recevoir des torpilles. Ce matin Maurice n’est pas à son aise, est-ce que ce serait la rougeole cette fois. Rien d’autre. Rien à faire, c’est désespérant.

Avant-hier Dondaine me disait qu’il avait entendu dire que M. Bouvier, Vice-président du Tribunal Civil de Reims, ne remplacerait pas le Président Hù, qu’il serait nommé ailleurs. Ce serait malheureux car il aurait été précieux à Reims lors de la réorganisation de tous les services dès que la ville serait dégagée. Il semble que c’est une gageure de refuser à notre malheureuse cité tous les moyens et les éléments, les hommes utiles à sa résurrection, à son relèvement. Quel est donc le mauvais Génie, civil ou militaire, peut-être les 2, qui a juré sa mort ? L’Avenir et l’Histoire nous le diront-ils jamais ?

6h soir  Été à Songy porter mon courrier, communiqué insignifiant. Dans le Petit Parisien du soir on annonce l’assassinat à Moscou du Feld-maréchal Eichhorn (Hermann von Eichhorn, Gouverneur Militaire de l’Ukraine, a été assassiné à Kiev le 30 juillet 1918 par un socialiste révolutionnaire de gauche). Voilà les Prussiens qui commencent à goûter les beautés et les résultats de la Kultur slave nihiliste. Ce n’est pas cela qui va arranger les choses pour eux. Les complications se succèdent et s’accumulent, c’est vraiment le commencement de la fin.

Dans mon courrier carte du Sous-préfet de Reims M. Bailliez qui est maintenant à Aÿ, où il a l’instruction de rester définitivement. Il répondait à ma demande au sujet de ce que je devais faire pour la lettre de félicitations du Ministre de l’Intérieur ; Il me conseille d’envoyer un mot de remerciement au Ministre de l’Intérieur M. Pams et au Préfet de la Marne, M. Chapron. C’est fait.

Il paraitrait que Cumières aurait été abominablement pillé par le 17e Génie. Cela ne me surprend nullement. Nos (rayé) M. Soullié (Alexandre) (1858-1924) a moins souffert que sa belle-sœur, Mme Ferdinand Soullié, qui a eu sa maison mise à sac. Il en est de même de la maison de mon camarade de classe Bertin ! Ces sauvages-là ont été jusqu’à défoncer les tonneaux de vins pour le plaisir de saccager. Et déjà les allemands étaient arrêtés dans leur avance, ils n’ont donc même pas cette excuse de pouvoir dire que c’était pour que les Prussiens n’en profitent pas ! (Rayé) la mémoire (rayé).

8h soir  Les avions ont visité Châlons la nuit dernière, 60 torpilles environ. La Trésorerie Générale rue de Chastillon incendiée, les maisons contigües fort abîmées, notamment celle de Louis Girard. Le Palais de Justice, la Gendarmerie est fort endommagée, la Prison militaire, etc…

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Hermann von Eichhorn

Cardinal Luçon

Jeudi 1er – Visite de Mlle Siegriest, de M. de Lamarzelle.

M. de Lamarzelle vint me voir le 31 juillet ou un autre jour avec quatre ou cinq députés et sénateurs. II me racontèrent qu’après la parution de notre dernière Lettre collective et de ma Lettre à M. le Président de la R. pour les Prières du 4 août, ils allèrent trouver M. Poincaré, qui répondit: – Ce n’est pas à moi à prendre l’initiative de cette décision, c’est au Président du Conseil, allez le voir. Si le Gouvernement va aux Prières, j’irai ; s’il se fait représenter je me ferai représenter. Ils allèrent trouver M. Clemenceau. – Si on avait demande un service pour les Morts, j’y serais allé. Mais des Prières pour la France, la Constitution m’interdit de participer à toute manifestation cultuelle – Mais un Service religieux pour les Morts est bien un acte cultuel – Oui, mais quand c’est pour les Morts, je prends sur moi d’y aller – Eh bien, prenez sur vous d’aller aux Prières pour l’Armée, comme vous faites aux Prières pour les Morts – Ah ! Vous voulez me forcer à faire un acte de Foi. Eh bien ! Non. Et c’est là-dessus que se termina l’intervention.

Visite et allocution à la Visitation, rue Denfert-Rochereau, où étaient réfugiées les Visitandines de Reims. Incendie de la Basilique St-Remi (Voir Notes et Documents, p. 330-336).

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Jeudi 1er août

On ne signale aucun évènement important sur le front, au nord de la Marne.
Les Anglais ont capturé quelques prisonniers, au cours d’un raid heureux exécuté dans le voisinage d’Ayette.
Un peu après minuit, des patrouilles australiennes ont pénétré dans les positions ennemies aux environs de Merris; elles ont fait 40 prisonniers.
L’artillerie ennemie a été active, avec émission d’obus à gaz, au nord d’Albert. Elle a également manifesté de l’activité en de nombreux points, entre le canal de la Bassée et Ypres.
Les Américains ont repoussé de fortes contre-attaques ennemies exécutées par des troupes fraîches au delà de la ligne de l’Ourcq. Sergy, qui a changé quatre fois de mains, est resté en leur possession.
Les Belges ont réussi un coup de main dans les organisations ennemies de la région de Saint-Julien et fait 11 prisonniers.
L’aviation anglaise a fait des reconnaissances et pris des photographies. 10 tonnes de bombes ont été réparties sur les dépôts de munitions, gares et cantonnements, dans les environs de Douai, Armentières, Bapaume et Chaulnes.
Neuf appareils ennemis ont été abattus en combats aériens, et deux ballons sont tombés en flammes. Quatre avions anglais manquent.
Nos alliés ont bombardé Bapaume, ainsi que des batteries ennemies en action au nord de la Somme.

Source : La Grande Guerre au jour le jour