Louis Guédet
Dimanche 2 juin 1918
1360ème et 1358ème jours de bataille et de bombardement
9h Temps magnifique, chaud, de l’air sec ! Nous sommes sans nouvelles de ce qui se passe de la bataille. Pas de journaux ! Quelques lettres qui n’apportent rien. Une telle situation est extrêmement pénible. Peut-être irai-je demain à Châlons pour apprendre quelque chose, mais quelle triste situation que la nôtre. Je suis vraiment dans l’angoisse pour tous les miens. A tout hasard j’ai écrit à mon Procureur de la République pour le prier de me prévenir sous forme officielle en cas de danger. Je ne doute pas qu’il le fasse. En attendant je suis bien anxieux.
Jean nous a écrit une lettre reçue hier ou il nous disait être au calme et avoir quitté le Poste de son commandant pour retourner comme sous-lieutenant à son ancienne batterie, la 2e, où il va se retrouver en connaissance.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Dimanche 2 – Visite à 9 h. de deux aumôniers militaires, dont un vicaire d’Orléans ; l’autre avait 3 décorations ; paraissent très bien tous deux. Départ de M. Lecomte et de M. Camus pour Sézanne et de là pour Troyes, avec la comptabilité du Secrétariat. Les reliquaires (de Ste-Clotilde) seront expédies demain à Arcis-sur-Aube, d’où ils seront, quand possible, diriges sur Dijon. Capitaine Ducray très complaisant. Visite du Général Pelle(1), commandant le 5e Corps. Discussion pendant une heure de mon évacuation, que je demande à n’opérer qu’à la dernière heure, quand le dernier échelon de l’armée elle-même partira. C’est en cette visite que le Colonel qui accompagne le Général Pelle me dit: « L’Archevêque est un Drapeau : nous ne pouvons pas le laisser aux mains de l’ennemi. » Visite de M. le Cure de Saint… apportant les reliques de la Cathédrale déposées à Cormontreuil, de la Vraie Croix, de Sainte Petronille.
(1) Général Pellé. A commandé une division en 1917 sur le Chemin des Dames, puis le 5e Corps d’Armée engagé en Artois en avril 1918, au coude à coude avec les Britanniques. Il ba combattre sur le flac Est de la poche allemande de Château-Thierry avant de reprendre l’offensive vers Berry-au-Bac.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Dimanche 2 juin
La poussée de l’ennemi a continué avec une violence redoublée sur le front de Soissons à Château-Thierry.
Dans la région de Soissons et sur la ligne Chaudun-Vierzy, nos troupes, poursuivant leurs contre-attaques avec une énergie inlassable, ont refoulé les masses ennemies lancées sur ce front, gagnant partout du terrain et faisant plusieurs centaines de prisonniers. Au sud de Soissons, l’ennemi a été rejeté sur la Crise.
Plus au sud, Chaudun et Vierzy, pris et reperdus à plusieurs reprises, sont restés entre nos mains, après des combats acharnés. La bataille a été violente également dans la région Chouy-Neuilly-Saint-Front. Nos troupes ont brisé les attaques ennemies et maintenu leurs lignes immédiatement à l’est de ces localités.
Sur la rive nord de la Marne, l’ennemi a poussé ses éléments avancés depuis les lisières nord et est de Château-Thierry jusqu’à Verneuil. Vifs combats sur notre droite, le long de la route de Dormans à Reims. Situation sans changement au nord-ouest et au nord de Reims.
Les Anglais ont exécuté des bombardements à Merville, Armentières, Bapaume, Albert et Valenciennes. Ils ont détruit vingt-huit avions et deux ballons captifs; ils ont jeté des bombes sur les gares de Metz-Sablons, Thionville, Courcelles et Esch.
Source : La Grande Guerre au jour le jour