Louis Guédet

Mardi 26 février 1918

1264ème et 1262ème jours de bataille et de bombardement

9h soir  Temps splendide. Le calme malgré tout. Je ne fais pas œuvre de mes dix doigts. J’ai fait mes cartons pour être prêt à les évacuer… Enfin à midi Bauler vient pour voir ce qu’il y a à expédier. Conclusion j’évacue ce que je peux, mais je vais laisser la batterie de cuisine et toute notre vaisselle et les cristaux, c’est dur ! A la Grâce de Dieu !! Je vais à la Ville, toujours le calme, la pagaye !! Le militaire trône et triomphe !! C’est tout dire : le désordre…  dans toute sa splendeur !… J’obtiens que Lise reste, de là je cours rue de Vesle chez Lacombe pour une voiture pour jeudi aller à Rilly. Elle me promet au cas où je ne trouverais pas ailleurs. Je vais chez Roland, rue Bacquenois, rien, chez Vassart, avenue de Paris, rien. Je remonte donc chez Lacombe où je conviens qu’elle me donnera une voiture et un cheval que je conduirai, n’ayant pas de cocher à me donner. Je rentre chez moi. Puis à 6h je vais au « Club d’osier ». J’y trouve Beauvais, Guichard, Joliot bazar, Bertrand pharmacie de Paris, Dor, Happillon, très éclectique esprit, le papa Coudreux, l’Hôte de céans, qui n’est pas maître chez lui !! C’est fort amusant, Couturier. Bref le comité de salut Public. Singulier cercle et milieu. Intéressant à analyser après la Guerre à tête reposée. J’aurais de curieuses choses à écrire et à dire à ce sujet. En tout cas, c’est très patriote, très Rémois et (rayé)!

Je rentre à 8h du soir dîner et me coucher, je suis éreinté.

Lettre de ma pauvre chère femme, qui me fait espérer que Jean et Robert auront leur permission en même temps. Aurais-je le bonheur de les revoir les chers Grands ! Voilà trois ans et demi que je suis sans famille, sans foyer !! Mes pauvres enfants me connaissent à peine ! hélas ! Dieu ne me ménage pas ses épreuves.

Me voilà à un nouveau tournant de ma vie, que je dois réorganiser. Sera-ce la dernière fois, je suis si las, si fatigué, si exténué.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

26 février 1918 – Suite du défilé, à la mairie, de pauvres gens qui viennent sol­liciter quelque délai à leur départ.

Vers 13 h, tandis que nous nous trouvions, Cullier et moi à l’hospice Roederer-Boisseau, où nous étions allés faire visite à M. Raïssac, nous avons pu y remarquer quelques récalcitrants, gardés par la gendarmerie, qui était allée les chercher à domicile et les tenait sous sa surveillance pour les embarquer.

Parmi eux, aperçu le père J… qui s’intitulait ces jours derniers encore, dans ses réclames sur L’Eclaireur, « Le bon Mercanti ».

La communication suivante, faisant suite à toutes celles publiées jusqu’aujourd’hui, paraît dans le journal :

Évacuation partielle de la ville de Reims.

Les personnes qui, prévenues tardivement, n’ont pu partir à l’heure qui leur avait été indiquée, trouveront des voitures automobiles (jusqu’à nouvel ordre) de 7 h à 11 h et de 13 h à 15 h à trois endroits. Les personnes en prendront connaissance soit par les affiches apposées en ville, soit au commissariat central.

Les personnes non encore prévenues qui sont disposées à partir de suite, pourront aussi profiter de ces voitures.

Les insignes nominatifs pour les habitants autorisés à rester, seront distribués à partir du 1er mars.

La commission mixte.

D’autres avertissements officiels y sont donnés également au­jourd’hui, sous ce titre :

Avis à la Population.

  • La circulation

Le Général commandant d’armes informe la population qu’à partir du 1er mars, tous les débits et maisons de vente de toute sorte seront fermés.

L’entrée de la ville sera interdite aux civils et militaires habitant à l’extérieur, sauf pour les déménagements.

Un arrêté réglant la circulation en ville paraîtra inces­samment.

  • L’expédition des mobiliers.

L’expédition des mobiliers aux habitants évacués pourra être faite : par les personnes provisoirement autorisées à rester à Reims ; par les soins de l’autorité militaire à qui des demandes seraient adressées ; enfin par les intéressés eux-mêmes qui un peu plus tard obtiendront, dans la mesure où les circonstances le permettront, des laissez-passer temporaires.

Un certain nombre de bons de transport gratuit de mobi­lier jusqu’à destination, ont été mis à la disposition de la Com­mission mixte.

  • Avis

Afin d’éviter de donner des renseignements que l’ennemi pourrait utiliser, il est désormais interdit d’envoyer à l’étranger aucune carte-vue ou carte postale illustrée de la zone des ar­mées, en dehors des cartes qui représentent des tableaux, sujets allégoriques ou fantaisistes.

Les cartes expédiées contrairement à cette interdiction se­ront saisies, sans préjudice des poursuites qui pourraient être intentées, le cas échéant, contre les expéditeurs.

Enfin, à la suite de ce dernier avis, dans L’Eclaireur d’aujour­d’hui, figure l’insertion suivante :

Pour les volailles.

Les personnes qui quittent la ville et qui posséderaient des volailles, pourront s’adresser, pour les liquider, aux soupes po­pulaires.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Hospice Louis Roederer
Hospice Louis Roederer

Cardinal Luçon

Mardi 26 – + 2°. Beau temps. Autour de 9 h. du matin, 2e départ des Évacués. Il n’y en a que 11, dit-on.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mardi 26 février

Au nord de l’Ailette, nous avons réussi un coup de main dans la région d’Urcel et ramené seize prisonniers et une mitrailleuse.
Lutte d’artillerie en Champagne, dans la région de Tahure et en Haute-Alsace, dans les secteurs au nord et au sud de la Doller.
Sur le front britannique, un raid allemand a été repoussé avec pertes à l’est d’Armentières.
L’artillerie ennemie s’est montrée active au sud-ouest de Cambrai et dans le secteur de Messines. Sur le front belge, les feux de barrage de nos alliés ont mis en échec complet quatre tentatives allemandes effectuées sur des postes avancés en divers points de la ligne. L’activité réciproque de l’artillerie s’est intensifiée dans la région de Dixmude où s’est déroulée une lutte à obus toxiques et ordinaires. Les Belges ont neutralisé de nombreuses batteries et effectué plusieurs tirs de destruction.
Canonnade sur le front italien, entre Adige et Astico. Dans le val Camonica et sur la Brenta, échec de patrouilles ennemies. Un raid autrichien a été brisé à Capo Sile. Cinq appareils ennemis ont été abattus. Les avions italiens ont opéré au sud de Trente et à Primolano. Mestre et Venise ont reçu des bombes.

Source : La Grande Guerre au jour le jour