Louis Guédet
Mercredi 20 juin 1917
1012ème et 1010ème jours de bataille et de bombardement
9h matin Nuit relativement calme, malgré les obus envoyés vers l’abattoir. Temps lourd avec soleil voilé, un peu d’air cependant. Je suis affalé. Vais-je tomber ? Mon vieux clerc M. Millet me disait tout à l’heure que dans leur quartier de Courlancy les soldats étaient continuellement ivres et chantaient… hurlaient l’Internationale ouvertement dans les rues ! Alors ?!! et où allons-nous ?! Je tâche de m’occuper mais je n’ai de goût à rien, et tout effort me coûte.
5h soir Journée banale. Peu de lettres, une de Robert qui s’attend à avoir sa permission d’un moment à l’autre. Eté voir le P. Desbuquois (Gustave Desbuquois, jésuite né à Roubaix, directeur de l’Action populaire à Reims de 1905 à 1946 (1869-1959)) pour lui annoncer que j’avais enfin reçu sa lettre. Causé très longuement avec lui. Il est surtout très impatient de connaître le résultat des démarches de M. Bossu à Paris. Il a à cœur que ma nomination arrive tout de suite, c’est comme s’il savait quelque chose qu’il ne veut pas me dire, ou ne peut me dire. Et comme moi il est d’avis qu’à tout point de vue ma nomination viendra du Ministre de la Justice. Ce serait un bon soufflet donné à nos politiciens radicaux et mesquins. Comme il me le demandait je me suis assuré tout à l’heure à l’Éclaireur de l’Est si Dramas était resté à Reims tout le temps. Il y est resté même pendant l’occupation prussienne. Je le lui dirai quand je le reverrai. Vu aussi rue de Venise le Père Virion, toujours aussi souriant. Le P. Desbuquois est intelligent, très, et très fin. Et on peut causer très nettement avec lui. Vers 9h1/2 je l’ai quitté, été à la Poste, acheté un journal en route. Passé au Palais et de là à l’Éclaireur pour mon renseignement et une circulaire que j’ai à envoyer pour mes justices de Paix aux maires de mes 4 cantons, relativement aux mariages d’étrangers avec des français qui ne pourront avoir lieu qu’avec l’autorisation du Garde des Sceaux. On fait bien, mais on ferait mieux d’interdire les mariages avec les Germains sans distinction.
Le P. Desbuquois s’est intéressé à mes notes et paraissait heureux que j’aie eu la patience de les continuer. Je lui ai expliqué comment je procédais, il m’approuvait de laisser aller ma plume au fil de ma pensée afin de donner plus de vie et de précision du moment à ce que je notais. Il était aussi de mon avis quand je lui disais qu’il me faudrait un Barrès (Maurice Barrès (1862-1923)) ou un Bazin (René Bazin (1853-1932)) pour les condenser et mettre au point. Néanmoins il me conseillait d’y travailler dès que les hostilités cesseraient.
Journée chaude mais avec de l’air cependant, et toujours la canonnade quotidienne, habituelle et meurtrière. Chaque jour ne se passant pas sans avoir quelques victimes au tableau.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
20 juin 1917 – Les services de la mairie et de la police, sont heureux de quitter la cave de la maison Werlé & Cie, 6, rue de Mars, où ils ont reçu l’hospitalité, avec l’administration municipale, le 21 avril dernier et qu’ils occupaient depuis cette date — pour s’installer au rez-de-chaussée du même immeuble, dans le cellier d’expédition où a eu lieu la cérémonie de la remise des décorations, dimanche dernier 17 juin.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Mercredi 20 – + 19°. Nuit tranquille. Orage lointain. Matinée tranquille ; visite de M. le Curé de Sainte-Geneviève. Aéroplanes. Journée tranquille.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Mercredi 20 juin
Violente lutte d’artillerie en Champagne, entre le mont Blond et le mont Cornillet. Une forte contre-attaque allemande sur les positions que nous avons conquises dans cette région a été brisée par nos feux. L’ennemi a subi des pertes sérieuses et a laissé de nouveaux prisonniers entre nos mains.
Des tentatives ennemies sur nos petits postes au nord de Saint-Quentin et vers la tranchée de Calonne ont échoué. Rencontres de patrouilles en forêt de Parroy; nous avons fait quelques prisonniers dont un officier.
Les Anglais ont exécuté des coups de main sur les positions allemandes au sud-est du Verguier et vers la route Bapaume-Cambrai. L’ennemi a eu un certain nombre de tués et ses abris ont été détruits. Nos alliés ont marqué une légère avance sur le champ de bataille d’Arras en faisant 35 prisonniers. 4 canons de campagne sont tombés entre leurs mains. Ils ont abattu 6 avions ennemis.
M. Hoffmann , chef du département politique au Conseil fédéral suisse a dû démissionner à la suite de la découverte d’un télégramme chiffré envoyé par lui à Petrograd et qui transmettait des propositions allemandes en vue d’une paix séparée avec la Russie.
Une crise ministérielle s’est produite à Vienne.
Source : La Grande Guerre au jour le jour