Louis Guédet

Vendredi 27 avril 1917

958ème et 956ème jours de bataille et de bombardement

11h matin  Beau temps, soleil dans la brume laiteuse. Il fait chaud dehors. C’est si bon en sortant de la cave. Nuit de canon et de bataille, mais calme, du reste on n’y fait plus attention. Été porter lettres à la Poste. Causé longtemps avec M. Beauvais, Directeur de l’École Professionnelle.

Le bas de la page a été découpé.

  1. Beauvais est comme moi convaincu de notre échec devant Reims, et il en a aussi assez. Nous ne savons que penser.

Rentré pour répondre à quelques lettres. C’est calme, aussi suis-je monté dans mon cabinet pour écrire, fenêtres ouvertes, mais l’air m’étourdi un peu. Je suis comme grisé par trop d’air. C’est cependant si bon, après cette vie de cave. Quand donc pourrai-je coucher ici et y travailler en toute tranquillité. Il en est grand temps, car la vie que je mène depuis 1 mois est bien affaiblissante, anémiante !! Pour peu que cela continue je tomberai malade. Triste vie d’un agonisant, on n’a plus la force ni le courage de réunir 2 idées à la suite l’une de l’autre. Il est temps que cela finisse.

5h du soir  Été Poste à 2h, trouvé lettre désolée de ma femme, elle tombera malade !! Je le crains. Lettre de Charles Decès, des de Vroïl qui sont à Paris et croient être bientôt à Rocquincourt (Courcy). Je les désillusionne ! Car maintenant quand prendrons-nous Brimont ? Toute la population d’ici est très nerveuse à ce sujet et on ne se gêne pas pour dire que la ville est sacrifiée à plaisir et qu’on nous berne ! On est très monté ! Lettre de M. Bossu, Procureur Général à Bastia, qui part pour Jainvillotte (Vosges) jusque fin juin. Il me prie de voir à ses chers livres et il m’encourage gentiment (j’en ai besoin) et me dit qu’il va relancer Herbaux !! à ce sujet je lui réponds en plaisantant qu’il est à craindre que cette croix n’arrive qu’après la croix de bois, mais que cependant j’aimerais bien l’avoir un peu avant de passer le Styx.

Je passe à la Mairie (Caves Werlé), là Charbonneaux m’offre très aimablement de prendre une lettre pour ma chère Madeleine que j’encourage comme je…

Le bas de la page a été découpé, la première phrase suivante a été recopiée en haut de la page suivante au crayon de papier.

Madeleine me dit qu’à St Martin nous logeons un colonel qui a été au Mont-Haut, Moronvilliers, etc…  …et que celui-ci lui disait qu’ils avaient perdu beaucoup moins de monde que dans la bataille de la Somme, et que les allemands au contraire avaient perdu énormément de monde, que leurs soldats étaient en majeure partie très très très jeunes. C’est bon, mais cela ne solutionne pas notre situation d’ici.

Comme je l’écrivais à M. Bossu, si d’ici 8 jours nous n’avons pas une avance sérieuse devant Reims, j’irais à St Martin me reposer un peu. Cela me sera pénible de rentrer après, mais je ne puis tout de même pas m’éterniser ici sans voir de temps en temps les miens.

8h1/4 soir Toujours la même vie. Les aéros nous assomment à tourner autour des « saucisses », avec cela le sifflement des obus, les canons, etc…  on est assourdi. Je lis dans l’Écho de Paris que le Général Lanquetot, commandant la Division, et le Général Cadoux, commandant de Place, sont mis au cadre de Réserve. 2 vieilles badernes de moins. Surtout Cadoux qui n’a rien à faire ici. Je ne vois pas pourquoi on laisse un commandant de Place qui n’aura ses fonctions à exercer que lorsque Reims sera dégagé, mais cela leur fait toucher des appointements.

Ce soir canon, mais certainement pas d’attaque sérieuse pour nous dégager. La nuée de sauterelles des chasseurs alpins se promène dans les rues, donc pas d’attaque. En verrons-nous la fin, enfin ? J’arrive à ne plus y croire…  et encore bien moins à l’espérer.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

27 avril 1917 – Bombardement par rafales, dès le matin, sur le centre, rue Pluche, rue Rogier, etc. ; un incendie se déclare au n° 3 de cette dernière rue.

  • Au cours d’une nouvelle tournée, du côté de la place Amélie-Doublié, je m’aperçois que la maison n° 81, rue Docteur- Thomas, est brûlée.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos


Cardinal Luçon

Vendredi 27 – + 3°. Matinée tranquille sauf tirs entre batteries. Visite du Général Cadoux. Crise de rhumatismes dès le matin. Aéroplanes toute la journée, tir des 2 artilleries l’une contre l’autre. Bombes sifflent pendant 1h. 30 (sur quoi ?). Via Crucis in Cathedrali.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Vendredi 27 avril

En Belgique, grande activité des deux artilleries dans le secteur de Westende.

Au sud de l’Ailette, nous avons pris sous nos feux et dispersé un rassemblement ennemi près de Vauxaillon.

Entre l’Aisne et le chemin des Dames, les Allemands, après leur sanglant échecs de la veille n’ont pas renouvelé leurs tentatives. La lutte d’artillerie a été violente dans les secteurs de Cerny et d’Hurtebise et n’a été suivie d’aucune action d’infanterie.

Sur la rive gauche de la Meuse, une forte reconnaissance ennemie qui tentait d’aborder nos lignes au bois d’Avocourt a été repoussé par nos grenadiers.

Les troupes britanniques ont attaqué à l’ouest du lac Doiran. Ils ont pris les tranchées ennemies sur un front de 1000 mètres et s’y sont maintenues après avoir repoussé quatre contre-attaques.

Source : La Guerre 14-18 au jour le jour