Louis Guédet

Jeudi 26 avril 1917

957ème et 955ème jours de bataille et de bombardement

9h1/2 matin  Temps gris couvert, froid, on se croirait en novembre. Nuit tranquille, à part quelques bombes et la canonnade habituelle. Mal dormi cependant. On a malgré soi de terribles et douloureuses insomnies. Ce n’est plus une vie, c’est une agonie ! Dont on ne voit pas la fin ! Notre offensive (??) qui nous a valu toutes ces ruines, tous ces affres depuis  20 jours, est à l’eau, si jamais elle a existée. On nous a alléchés pour pouvoir durant ce temps piller à loisir pour nos galonnés et viveurs d’État-majors !! Nos soldats n’ont pas le temps de libérer Reims, il leur faut surtout trouver à ravitailler en liquides de toutes sortes, en objets de valeur, etc…  nos Galonnards divisionnaires ou autres et leurs femelles. Çà c’est le salut de la France !! Mais la France qui souffre, qui halète sous la botte allemande ne les intéresse nullement ! Verrons-nous ? Verrai-je ? un jour le châtiment de tous ces lâches embusqués ??

5h1/2 soir  Canonnade assez vive sans grand bombardement. Bataille violente vers Mont-Haut, Aubérive, Pompelle. Activité d’avions toute l’après-midi, qui devient radieuse de soleil. A 2h je vais à mon courrier rue Libergier. En passant rue Boulard j’aperçois la porte du 19 enfoncée par des pillards. Qui ont été déçus car elle est déménagée. En rentrant je trouve le Père Kuhn (à vérifier) qui vient pour une procuration, pendant que je la prépare, il va barricader la porte du 19. Quand il a fini je lui fais signer mon acte dans la cave, mon premier acte depuis le 6 est en cave. J’envoie le tout prêt à Dondaine qui fera enregistrer et légaliser, puis parvenir à Hussenot-Desenonges, notaire à Paris (Maurice Hussenot-Desenonges (1880-1969)). Le confrère aura un acte pas banal !! Aussitôt mes lettres prises à la Poste je vais porter un mot à ma chère femme place d’Erlon, chez Mazoyer. La foule qui vient chercher ses lettres à la Poste est de plus en plus houleuse et de plus en plus montée contre les pillards. Il est à craindre qu’il y ait des collisions et des tueries, si ce sont des pillards qui écopent ce ne sera que du pain bénit !

Été aux Galeries Rémoises prendre des nouvelles. Eux aussi en ont assez. J’irai peut-être déjeuner avec eux dimanche. Rentré chez moi où j’ai trouvé le papa Kuhn comme je l’ai dit plus haut.

A propos d’acte fait dans ces circonstances extraordinaires, il en est arrivé une assez curieuse à un certificat de vie authentique fait par moi pour le Dr Simon. J’avais donné cet acte à Lesage chez Ravaud pour qu’il le remette au docteur Simon qu’il voit tous les jours. Or cet après-midi là une bombe est tombée chez Degermann, en face de chez Ravaud, et toute l’officine de ce dernier fut brisée, dispersée et mon acte perdu dans le fouillis. Quelques jours plus tard le Dr Simon que j’avais prévenu de ce mécompte me dit triomphant : « On a retrouvé votre acte, mais dans quel état !! » En effet il était fortement lacéré…  mais encore très lisible. Je lui répondis que dans ces conditions il était inutile de le recommencer et qu’il était parfaitement valable. Ce sera encore un vrai document pour la compagnie d’assurances qui l’avait demandé. J’ai conservé la carte de visite qui y était jointe, ce sera un souvenir. La bataille continue, toujours formidable vers Cornillet, Mont-Haut. Si seulement nous touchions à la fin, on est si las ! Et ne pouvoir sortir qu’avec crainte par un soleil si radieux !! Quelle misère.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

26 avril 1917 – Bombardement dans la matinée et reprise violente vers le boulevard de Saint-Marceaux, de 13 h à 14 h 1/2.

Informé qu’un incendie s’est déclaré hier, à 19 h au n° 2 de la place Amélie-Doublié (angle de la rue Docteur-Thomas), je vais me rendre compte. Il ne reste que les murs de cette maison qui nous était bien connue et dans laquelle ma sœur et moi, nous sommes réfugiés longtemps pour y passer les nuits, quand nous habitions le quartier ; le feu progresse sur la rue Docteur-Thomas.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos


Cardinal Luçon

Jeudi 26 – + 4°. Visite à la Cathédrale avec M. Sainsaulieu. Rapporté un demi-culot d’obus 305. Vu le cratère de l’obus non-éclaté. Il a enfoncé la voûte de la basse-nef sud, a disloqué le dallage, et disparu dans la terre du trou creusé par lui. Bombes à différentes heures. De 7 h. 30 à 8 h., bombes sifflantes (sur batteries ?). Nuit relativement tranquille ; rien entendu.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Jeudi 26 avril

Entre Somme et Oise, calme relatif.

Un commencement de bombardement de nos tranchées près de la Fère a été arrêté net par la riposte de notre artillerie.

Dans la région de l’Aisne, nous avons réalisé quelques progrès au sud-est de Cerny-en-Laonnois, et fait des prisonniers.

Au nord de Vauxaillon, une attaque allemande sur nos tranchées a été enrayée par nos feux d’artillerie et de mitrailleuses.

Les Allemands ont subi un sanglant échec dans une attaque sur la ferme Hurtebise. Arrêtés une première fois par nos feux, ils ont repris peu après leur assaut. Une contre-attaque vigoureuse les a rejetés sur leurs lignes. Notre artillerie a pris sous son feu et dispersé d’importants rassemblements au nord du plateau de Vauclec.

Les Anglais ont pris le hameau de Bithens, au nord-est de Trescault, à l’est du bois d’Avrincourt. Un combat s’est engagé sur toute l’étendue du front, entre le Cojeul et la Scarpe. Nos alliés ont progressé. Depuis le 23, ils ont fait 3029 prisonniers, dont 56 officiers.

Un croiseur russe a disparu en mer Noire.

Des aviateurs anglais ont coulé un contre-torpilleur allemand. Un de nos torpilleurs a coulé au cours d’un engagement au large de Dunkerque. On ignore les pertes allemandes.

Source : La Guerre 14-18 au jour le jour