Louis Guédet

Samedi 14 avril 1917

945ème et 943ème jours de bataille et de bombardement

5h1/2 soir  Temps splendide. Bombardement toute la nuit. Je suis éreinté, affaissé toute la matinée, on dort si mal et c’est si long. J’admire chaque jour le courage de tous nos agents de police qui se multiplient. Quelle différence avec la couardise des gendarmes. Il parait que notre nouveau Commandant de Place, le Colonel (en blanc, non cité) est un froussard de la plus belle eau, çà ne nous change pas avec Colas et Girardot. Lors du bombardement du 6 courant il s’est sauvé à Épernay !!! C’est pour cela que l’autre jour qu’on déchargeait des cintres d’acier et des rondins de bois pour faire une casemate blindée pour ce lâche-là. A 2h je vais chercher mon courrier.

Passant devant l’usine d’Edouard Benoist j’interpelle un vieux trainard et lui dit de filer, et qu’il ferait mieux de partir de Reims. Un sergent (Sergent Basly, de la 22ème section G.B.D. (trèfle à quatre feuilles)(Groupe de Brancardiers Divisionnaires)) de la formation sanitaire qui cantonne dans cette usine au 35 de la rue Hincmar, m’interpelle en me disant que je n’ai pas le droit de dire cela et que je ne puis pas le faire, et m’injurie. Je l’envoie carrément en lui disant qu’il se taise et que s’il défend ce vieux trainard, c’est sans doute qu’il lui indique les caves à piller. Pris mes lettres, écrit dans mon cabinet au Palais, et porté mes lettres à Mazoyer. Je rencontre Landréat qui est resté courageusement ici, je l’en félicite. Comme nous sortions du Palais un automobiliste, conduisant la voiture 117 015 nous interpelle d’un ton insolent pour nous demander où se trouve un bureau de tabac. Comme nous lui répondons que nous ne savions pas, et comme il insistait en disant que des sales civils comme nous ne savions jamais rien, que de là nous étions une sale ville, etc…  etc…  Je pars en haussant les épaules, il veut nous suivre !… Je continue mon chemin, en constatant l’aménité de ces gens-là…  Voilà le peuple avec lequel nous nous rencontrons chaque jour.

J’écris ces lignes dans mon cabinet au 1er étage, près de ma chambre. J’en suis tout joyeux et c’est si triste d’écrire à la cuisine ou dans la cave. Toutes les fois qu’on sera un peu tranquille je ferai cela, car je n’y tiens plus, et je pourrais peut-être faire quelque chose d’utile, tout en laissant de quoi écrire à la cuisine et à la cave. Quand pourrais-je enfin reprendre mes habitudes et coucher dans un lit…  déshabillé. Mon Dieu pourvu que ce soit bientôt. Je suis si las, et puis je crains de tomber malade à coucher aussi à la cave !

6h20 soir  Vu tout à l’heure Monbrun qui travaillait et travaille au Bureau Militaire de l’Hôtel de Ville, pour me demander l’adresse de Faupin, l’avoué, et je lui demandais ce qu’il faisait maintenant. Il me répondit qu’il travaillait toujours à la Ville où tous ces jours-ci il avait mis en sûreté les registres d’État-civil et les dossiers de réquisitions militaires. Comme je lui demandais ce qu’était devenu son collègue François, employé au même bureau, il me répondit qu’il s’était sauvé sans crier gare le 6 comme Cachot de l’État-civil (dont l’absence ne sera que très provisoire) et autres. Bref ce sont tous ceux qui crânent et se posent en casseurs d’assiettes qui ont été les plus lâches. Comme ce Bruge, sergent rue Martin Peller, dont on n’a pas eu de nouvelles pendant 3 jours !! un sergent ! insolent, comme tous les embusqués du reste.

8h3/4 soir  En causant avec Houlon je lui demandais combien restaient de municipaux. Les voici officiellement du 1er avril 1917 : le Maire Docteur Langlet, les 2 adjoints : Émile Charbonneaux, de Bruignac, et 3 conseillers : Houlon, Pierre Lelarge et Guernier. C’est maigre, les autres ont « foutu le camp ». Été après dîner voir Melles Payart et Colin (40, rue des Capucins) causé un instant. Les rues sont désertes, on ne voit plus de soldatesque.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

14 avril 1917 – Bombardement toute la journée vers le faubourg Cérès et tir, du matin au soir, sur aéros.
Toutes les saucisses observent.
Canonnades espacées de nos grosses pièces.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Samedi 14 – + 3° ; Nuit continuellement agitée. Canon français, bombes allemandes tombées du côté de Sainte-Geneviève, à l’abattoir, autour de l’ambulance rue Cazin. On pense qu’elles faisaient un tir de barrage sur la route d’Épernay et de Pargny, contre mouvements de troupes, ravitaille­ment, batteries recherchées. Visite à Sainte-Geneviève, Orphelinat, bles­sés. 5 blessés par un obus, Chaussée Bocquaine et rue Polonceau à 9 h. 1/2. Violente canonnade toute l’après-midi ; bombes sifflantes sans interrup­tion sur batteries, et sur la ville aussi sans doute. Un obus est tombé dans les ruines de la Salle des Rois. Aéroplanes. Écrit au Pape pour M. le Cha­noine Brincourt. De 9 h. à 11 h. terrible bombardement autour de nous. Obus dans le chantier de la Cathédrale, contre un pinacle, côté sud, cour Chapitre, devant M. Payot. Obus asphyxiant sur le Barbâtre : Les Sœurs de l’Enfant Jésus sont obligées de mettre leurs masques et de monter à l’étage supérieur, au Mont d’Arène, où elles étaient réfugiées dans les ca­ves. Soldats asphyxiés. Nuit la plus terrible jusqu’ici. Il y a eu émission de gaz asphyxiants. Parmi les asphyxiés morts : M. Vaticourt, chantre de Saint- Remi, sa femme et ses deux filles. Il était aller chercher des remèdes chez le pharmacien ; en revenant, il est obligé de s’asseoir sur un banc où il meurt. Sa femme et ses deux filles moururent aussi. Madame Lépargneur meurt aussi asphyxiée. En tout : 15 personnes.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173


Samedi 14 avril

Au sud de Saint-Quentin, nos troupes ont attaqué et enlevé, malgré une résistance acharnée de l’ennemi, plusieurs lignes de tranchées entre la Somme et la route de la Fère à Saint-Quentin. Nous avons ramené des prisonniers et de nombreuses mitrailleuses. Notre artillerie a violemment bombardé les organisations allemandes entre la Somme et l’Oise.

Au sud de l’Oise, nos éléments avancés ont progressé à l’est de Coucy-la-Ville et capturé des prisonniers et du matériel.

Lutte d’artillerie dans la région de l’Aisne et en Champagne.

Dans la région de Verdun, deux coups de main de l’ennemi ont échoué sons nos feux.

Les Anglais ont attaqué entre Saint-Quentin et Cambrai. Ils ont pris les positions ennemies sur un large front entre Hargicourt et Metz-en-Couture. Ils ont occupé la ferme le Sart, le village et le bois de Gouzancourt. Ils ont effectué avec succès un coup de main sur Loos.

Canonnade sur le front belge, au sud de la Maison-du-Passeur.

En Macédoine, les Serbes ont repoussé une attaque ennemie dans la région de Budimnica.

Les Russes ont repoussé les Austro-Allemands près de SoKal. Ils ont infligé un autre échec à l’ennemi sur 1a Bistritsa.

Source : La Guerre 14-18 au jour le jour