Louis Guédet
Lundi 5 mars 1917
905ème et 903ème jours de bataille et de bombardement
8h soir Ce matin à 4h1/2 / 4h3/4 canonnade furieuse vers La Pompelle qui m’éveille, les éclairs des coups de canons flamboient et éclairent ma chambre. Je me lève, ouvre mes persiennes, et je vois le jardin couvert de neige qui continuera à tomber toute la matinée. Bataille furieuse et puis voilà les obus qui sifflent vers St Remy, 20 environ, rue Pasteur, Fléchambault, etc… Une victime. Cela dure jusqu’à 6h du matin, puis cela cesse et je me rendors. Inventaire rue Buirette, dispute entre Hanrot (Edmond Hanrot (1864-1959)) notaire, toujours aussi pointu, Bruyant (Henri), notaire à Orbais, aussi pointu mais plus calme, et cette canaille de Lepage, ancien huissier, qui est doublé d’une brute. Je m’en suis amusé. Après-midi le vent tourne et dégel général, toute cette eau qui coule et tombe des toits sur les ruines me font mal et me rappelle mon martyre de la rue de Talleyrand. Ah ! cette pluie qui tombe, ruisselle sur les plafonds et les planchers à ciel ouvert !! Ce que c’est pénible. Fait des courses en pataugeant dans la neige fondue. Je rentre fourbu, mais il y a de l’ouvrage, lettres, circulaires pour la Chambre, etc… Enfin je vais me coucher, j’en ai besoin, pourvu que je puisse dormir et qu’on me laisse dormir.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
5 mars 1917 – A 4 h 45, Reims est réveillée en sursaut par une canonnade très nourrie, qui s’est déclenchée sur le secteur — et le vacarme effroyable et bien connu des démonstrations d’artillerie se prolonge, sans la moindre interruption, pendant une heure et demie. Vers 6 h 1/4, pour terminer, les 75 dont les détonations résonnent si bien place Amélie-Doublié, mêlent aussi leurs voix au concert en envoyant, pour leur compte, en un quart d’heure au plus, un supplément de quatre cents projectiles environ.
Quelques obus arrivent rues Pasteur, Armonville et du Barbâtre
Le calme revient à 6 h 1/2 et le soir même, le communiqué annonce qu’à l’est de Reims, un coup de main ennemi a été facilement repoussé. Ceci s’était passé vers le Linguet.
— Dans le voisinage, où les habitants sont peu nombreux, on avait remarqué, hier soir, l’apparition d’un employé de chemin de fer domicilié dans les alentours de la rue Lesage, qui était revenu paraît-il, pour connaître l’état de la maison qu’il avait occupée jusqu’en août 1914 et pour procéder, si possible, à l’enlèvement de son mobilier. C’était la première fois qu’il rentrait chez lui, depuis la guerre ; naturellement, il y passait la nuit. Le réveil subitement brutal de ce matin — auquel nous ne nous attendions pas non plus avait eu pour effet de le méduser absolument dans son lit, où il attendait, en claquant des dents, la fin… d’il ne savait quel cataclysme.
A 8 heures, à peine remis de ses émotions et tremblant encore, le cheminot préférait repartir en abandonnant ses projets, malgré les bonnes paroles de gens qui cherchaient à le tranquilliser, en lui déclarant qu’on n’entendait pas tous les jours pareille profusion de coups de canon qui, d’ailleurs, n’avaient été dangereux que pour les voisins d’en face ; la séance lui suffisait. Au reste, on s’accordait à reconnaître qu’il avait eu de quoi s’émouvoir mais se doutait-il seulement qu’il eût pu tomber encore beaucoup plus mal, au point de vue des risques ?
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Lundi 5 – Vers 5 h. très violent combat au nord-est puis à l’est de Reims. Une épaisse couche de neige couvre la terre. 0°. Visite aux prêtres réunis au Séminaire. Un obus tombe dans les ruines de l’Hôtel Dieu.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Lundi 5 mars
Entre Oise et Aisne, nos détachements ont pénétré dans les positions adverses au sud de Nouvron jusqu’à la deuxième tranchée allemande et ont opéré d’importantes destructions.
Un coup de main ennemi dirigé plus à l’ouest, sur nos postes de la région de Haute-braye, a échoué sous nos feux.
Sur la rive gauche de la Meuse, nos batteries ont pris sous leurs feux et dispersé un détachement ennemi au nord de Regnéville.
A l’est de la Meuse, la lutte d’artillerie a été violente dans le secteur du bois des Caurières. Une attaque allemande, consécutive au bombardement intense signalé dans la région, au nord d’Eix, a été déclenchée sur nos positions de la Fieveterie. L’ennemi, qui avait réussi à pénétrer dans nos premiers éléments, en a été complètement rejeté par nos feux et nos contre-attaques. Notre ligne est entièrement rétablie.
En Alsace nous avons repoussé des partis ennemis, dans les secteurs d’Amertzwiller et de Burnhaupt.
Nos escadrilles de bombardement ont lancé des projectiles sur les hangars de Frescaty, la poudrerie de Bons, les hauts fourneaux de Woefling et la gare de Delme.
Les Anglais ont enlevé les premières lignes et lignes de soutien ennemies à l’est de Bouchavesnes. Ils ont fait 173 prisonniers. Ils ont réalisé une avance de 1100 mètres sur un front de 3200, à l’est de Gommécourt.
Un contre-torpilleur britannique a coulé en mer du Nord.
Source : La Grande Guerre au jour le jour