Louis Guédet

Jeudi 1er mars 1917

901ème et 899ème jours de bataille et de bombardement

8h soir  Temps couvert, brouillard, brume rayée de soleil. On sent le commencement des matinées de printemps. Bataille et canonnade toute la nuit, on bombardait sur le faubourg de Laon, à partir de 3h1/2 du matin impossible de dormir. J’étais éreinté le matin en me levant. Journée falote comme beaucoup d’autres passées. Déjeuné aux Galeries Rémoises. Après-midi fait quelques courses après avoir reçu une procuration par Harel pour Jallade. Ma domestique s’est levée et se remet, mais quelle « moularde » ! « Je ne puis pas manger jusqu’à l’indigestion, donc je suis malade. Je vais mourir. » Voilà la théorie de ces gens-là !!

Je suis à jour pour mes lettres, arriverais-je à pouvoir préparer mes dossiers pour ma Commission d’appel et fixer une première réunion. Je suis maintenant « en main », ce n’est pas difficile, et je vais faire picoler mes collègues. Reçu également mes procès de simple police pour mardi. Ma brute de Girardot, doublée d’un gendarme, est sage et domptée, 20/22 procès nouveaux et qui paraissent tenir debout. Enfin c’est du travail sérieux, et ce n’est plus La Fontaine et la molestation d’autrefois. J’ai muselé et dompté nos galonnards !! J’en suis heureux pour mes Rémois.

Me voici à l’anniversaire de mon incendie de la rue de Talleyrand, 37. 2 ans déjà !! à cette heure nous descendions à la cave nous coucher, ma bonne et moi. Les bombardements étaient terribles, et…  à 1h10 minutes je recevais 3 bombes incendiaires…  La montée de la cave en hâte !! l’éblouissement de l’incendie, la chambre de la bonne enflamme, la chambre d’ami au-dessous, tout flambait. Rien à faire. J’ai lutté jusqu’à 9h du matin, et je me suis trouvé sur des ruines, mouillé, trempé, délabré. Oh ! cette vision flamboyante, rougeoyante, atroce…  Je l’ai là toujours devant les yeux, elle me brûle les paupières !! J’en frissonne encore 2 ans après !!!! de cette nuit du 1er au 2 mars 1915. Pourvu qu’elle ne se renouvelle pas ici dans mon refuge hospitalier. J’ai, je crois, payé mon lot, au tour des autres, des jouisseurs. Et nous ne sommes aujourd’hui pas plus avancés qu’il y a 2 ans ! C’est à n’y rien comprendre, et quelle vie misérable ai-je menée depuis ce temps, sans foyer, sans famille, sans abri, sans toit, obligé de demander l’hospitalité à une maison amie endeuillée, séparé de tout et de tous. Voilà ma vie ! Tandis que d’autres désertent leurs devoirs, s’embusquent, s’amusent et jouissent de la vie, insolemment, égoïstement, bassement, bestialement devrais-je dire. Nuit du 1/2 mars 1915, quel calvaire ! sans espoir de récompense, de justice, de réparation. Nuit du 1/2 mars 1917, ne seras-tu le lever de l’aurore de la paix, de la joie, du bonheur de tous mes aimés, de ma chère pauvre femme, de mes enfants…  moi j’ai souffert pour eux peu importe, pourvu qu’ils soient heureux, sains et saufs, que la vie leur soit douce, facile, joyeuse, fortunée, splendide, glorieuse, fière, voluptueuse, sans nuage…  en voyant cela pour eux et en l’ayant, je n’aurais pas souffert !!…  J’aurais souffert pour eux !!

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

1er mars 1917 – Sérieux bombardement, toute la nuit dernière, vers les batteries du haut de l’avenue de Laon.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cimetière de l'avenue de Laon
Cimetière de l’avenue de Laon

 Cardinal Luçon

Jeudi 1er – Nuit tranquille sauf quelques gros coups de canon de temps en temps. + 5°. A 1 h. 1/2, bombes sifflantes (sur batteries ?).

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Jeudi 1er mars

Assez grande activité des deux artilleries sur le front de part et d’autre de l’Avre. Des tentatives de reconnaissances ennemies dans la région de Roye ont échoué sous nos feux. Tirs efficaces de nos batteries sur les organisations allemandes du secteur de la cote 304.
Au nord de Dixmude, les Belges ont repoussé à la grenade une patrouille allemande qui tentait de s’approcher d’un poste au cours de la nuit. Violente lutte de bombes dans la région Steenstraete-Hetsas.
Les Anglais ont occupé Tilloy, Gommécourt et Puisieux. Ils ont encore exécuté par ailleurs plusieurs raids heureux et fait des prisonniers.
Sur le front italien, actions habituelles d’artillerie : activité des expéditions de reconnaissance. L’une d’elles a pénétré dans les tranchées ennemies à Boscoresali (Carso).
Des avions autrichiens ont bombardé Gorizia et le Vallone. Une escadrille italienne a bombardé les campements adverses près de Serrada, aux sources de l’Astico.
Sur le front roumain, les Austro-Allemands ont attaqué les positions russes des deux côtés de la chaussée Jacobeni-Kampolung et occupé plusieurs collines; l’une de celles-ci a été reprise par nos alliés.

Source : La Grande Guerre au jour le jour