Louis Guédet
Mardi 20 mars 1917
920ème et 918ème jours de bataille et de bombardement
6h1/2 soir Temps froid glacial, bataille et pluie toute la nuit, mal dormi. Travaillé d’arrache-pied. (Rayé). Le pauvre petit était à Laval en attendant de continuer sa route pour rejoindre. Pauvre enfant. Reçu lettre de Madame Minelle m’annonçant la mort de son Père, une glissade sur le quai de la gare de Bellerive, et sous la locomotive. Elle me demande d’aller à Paris pour dépouiller les papiers, je lui réponds (bien qu’elle ne m’ait pas donné l’adresse à Bellerive (Seine et Oise), près de Meudon), que je suis libre que de samedi à lundi prochain, ou de vendredi d’en 8 jours à lundi, à cause de mon audience de simple police. J’attends sa réponse, je me serais bien passé de ce voyage !! Enfin je ne puis refuser cela à la femme de mon ami et de l’ami de Maurice Mareschal.
terminé mon courrier en hâte, puis été Hôtel de Ville pour voir le Maire, lui rendre visite de condoléances pour la mort de son gendre le Capitaine Morlière (Lucien Morlière, capitaine au 245ème RI, tué le 3 mars 1917 au Hartmannvillerskopf (Haut-Rhin)), qui laisse un bébé d’un an sans père ni mère (Suzanne Morlière était décédée à Paris le 2 octobre 1916) !! De là rendu visite au Cardinal Luçon, causé longuement des événements actuels, Russes, Ministère Ribot, retraite des allemands dans la Somme, etc… Je lui ai causé du livre de Pol Neveux « La douce enfance de Thierry Seneuse ». Je le lui envoie pour qu’il le lise en ayant exprimé le désir. Rentré travaillé à 5h, acte à signer, Dondaine pour affaires de greffe et Étude Jolivet, et voilà ma journée passée à n’avoir rien fait il me semble. Encore une lettre à écrire à Narcisse Thomas et ma journée sera finie.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Mardi 20 – Nuit tranquille, – 5°. Visite de M. Klesse. Quelques bombes sifflent. Prise de Charny et de Ham(1). Vers 8 h. 1/4, bombes sifflantes au loin. De 2 h. à 5 h., 41 obus ; de 7 h. soir à 6 h. matin, pendant la nuit, 120 obus. Tergnier est pris.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
(1) Ces « prises » n’ont aucun caractère de victoire. Nous occupons le terrain volontairement abandonné par la Allemands pour raccourcir leur front et faire d’importantes économies de personnel. Tout ce terrain « reconquis » a été sauvagement détruit, miné, défiguré par l’ennemi qui a coupé tous les arbres, fait sauter les habitations, empoisonné les puits, etc.
Mardi 20 mars
Nos troupes ont dépassé Ham, sur la Somme, et Chauny, sur l’Oise. Nous tenons un grand nombre de localités entre ces deux villes. Notre cavalerie rayonne à plusieurs kilomètres au nord de Ham et a capturé un convoi qui se retirait dans la direction de Saint-Quentin. Notre avance atteint sur ce point 35 kilomètres en profondeur. Au sud de Chauny, nos détachements ont atteint la ligne générale d’Aillette.
Soissons est entièrement dégagé. Au nord-est de Crouy, nos éléments avancés ont progressé le long de la route de Maubeuge.
Une vingtaine de villages et de bourgs nouveaux ont été délivrés. L’ennemi a dévasté le pays, coupant et arrachant les arbres fruitiers. De nombreuses localités ont été complètement incendiées. Les habitants, sans abris et sans vivres, sont nourris par nos troupes. Tous les ponts sont détruits.
Violente lutte d’artillerie en Champagne vers la Butte-du-Mesnil et Auberive.
Combat sur la rive gauche de la Meuse vers le Mort-Homme.
Les Anglais ont occupé Chaulnes, Nesle et Péronne. Ils ont progressé de plusieurs kilomètres et au total ont gagné jusqu’à 16 kilomètres en profondeur sur un front de 72. Plus de 60 villages sont tombés entre leurs mains.
Les Chinois ont occupé les concessions allemandes de Tientsin et de Hang-Keou.
M. Ribot a constitué le nouveau cabinet.
Source : La Grande Guerre au jour le jour