Louis Guédet

Jeudi 16 septembre 1915

369ème et 367ème jours de bataille et de bombardement

6h soir  Nuit de canon. Journée calme, avec canon du côté de Godat, Sapigneul (Le Godat, Sapigneul sont des villages disparus, non reconstruis après la guerre), Cormicy, Berry-au-Bac. Temps lourd et pluvieux. Jolivet est venu me surprendre à 8h1/2 du matin. Habillé rapidement je file chez lui, ou plutôt chez ce qu’il reste de chez lui. Il paraissait fort ému en voyant tout cela. Descendu à la cave et mis 3h pour ouvrir, forcer son coffre-fort. Tout l’intérieur était intact. Cela a été un soulagement pour moi et…   pour lui.

Déjeuné rapidement. Vu le Procureur de la République (ensemble) qui paraissait heureux de voir Jolivet.

Parlé du séquestre Louis de Bary et vu à tâcher d’arriver à rendre les valeurs de cette Maison pour pouvoir payer les droits de mutation par décès dus à l’Enregistrement. En partant mon bon ami se mit à dire : « Oh ! le Procureur de la République, vous pouvez être sûr que beaucoup auront la Croix de Guerre qui ne l’auront pas méritée autant que Guédet. » Alors M. Bossu de répondre : « Oui certes, mais nous ferons rougir M. Guédet ce qui voudra tout autant et je ne doute pas que cela ira tout seul…  Enfin nous verrons.

Reconduit Jolivet jusqu’en face de la propriété  (illisible, à vérifier) 9, avenue d’Épernay où se trouve le poste d’arrêt pour le Loring Jappés (à vérifier). Nous nous sommes quittés fort émus tous les deux. Nous reverrons-nous ??!! Bavardé avec le gendarme de garde, et rentré chez moi.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Paul Hess

Jeudi 16 – Du 13 septembre soir, au 26 matin, nous avons entendu une violente canonnade ininterrompue, dans la direction de Berry-au- Bac.

  • Depuis une huitaine de jours, il n’est question, à Reims, que d’un « grand coup » en préparation sur le front.

Personne ne paraît savoir exactement de quoi il s’agira — mais on entend, à ce sujet, beaucoup de discussions dans le vague et bien des commentaires, qui semblent plus abracadabrants que sensés.

Toutefois, il est à noter que certains indices ou des mouve­ments qui ne nous sont pas passés inaperçus, font présumer une reprise d’activité dans nos environs.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Jeudi 16 – Nuit tranquille à partir de 11 h. 1/2. Visite à l’Enfant-Jésus, à M. le Supérieur du Grand Séminaire. Visite de M. le Comte d’Arjazon et deux autres personnes. Il est près du général de Castelnau(1) qui communie tous les jours. Visite du Commandant Billard (12-17 sine die).

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

(1) Général de Curière de Castelnau, à l’inverse du général Joffre, franc-maçon d’ailleurs très modéré, représente à l’État-major l’officier général de tradition catholique. Ancien combattant de 1871, il est en 1914 à la tête de la II e armée, perd la bataille de Mohrange mais sauve Nancy, Il défend Amiens avant de commander en 1915 le groupe d’armées du centre à la bataille de Champagne. En 1916 il est chef d’État Major de Joffre. Après avoir été témoin en Russie en 1917 de l’effondrement de l’armée russe, il commande le groupe d’armées de l’Est qui aurait dû attaquer en Lorraine le 14 novembre 1918. Il entre à Colmar le 22 novembre. Il avait perdu trois fils au cours du conflit.


Jeudi 16 septembre

Les luttes d’artillerie se sont poursuivies avec intensité au nord et au sud d’Arras, ainsi que dans la région de Roye.
Lutte à coups de bombes et de grenades sur le plateau de Quennevières, dans la région de Lihons, et au bois de Saint-Mard.
Sur le canal de l’Aisne à la Marne, l’activité des deux artilleries s’est concentrée sur le front de Berry-au-Bac à la Neuville, où l’ennemi attaque la tête de pont de Sapigneul. Canonnade un peu ralentie au nord du camp de Châlons.
Lutte de mines dans l’Argonne. Une batterie ennemie a été détruite sur les Hauts-de-Meuse. Actions d’artillerie en forêt d’Apremont, au bois Le Prêtre et dans la région de Saint-Dié.
La poussée allemande continue, plus ou moins retardée, sur le front oriental, dans la région de la Dvina. Mais plus au sud, les ennemis ont été à peu près partout refoulés, particulièrement près de Wisnewietz et en Galicie. Au total, ils ont perdu 12000 hommes en un jour, et leurs pertes en prisonniers, dans les deux dernières semaines, ont atteint 40000.
Les Italiens ont repoussé des attaques autrichiennes en Carnie et sur l’Isonzo. Ils ont forcé à la fuite une escadrille d’avions qui venait sur Ud
ine.

Source : La Grande Guerre au jour le jour


 

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