Louis Guédet

Mercredi 15 novembre 1916

795ème et 793ème jours de bataille et de bombardement

7h soir  Temps magnifique. On s’est battu toute la nuit, et nos batteries n’ont cessé de tonner toute l’après-midi, c’était un vrai vacarme. Les allemands répondaient peu, quelques obus sur la ville, bien entendu. Déjeuné chez mon vieil et charmant ami Charles Heidsieck si bon pour moi. Il a reçu 2 bombes les 27 et 31, éclatant sur son refuge, pas mal de dégâts. Causé de choses et d’autres, ses affaires vont bien. Il a su s’assurer des agents de Mumm en Amérique, c’est un succès. Goulden serait passé au conseil de Guerre mardi dernier 7 novembre. Le Verdict sera rendu incessamment. En faisant mes courses à l’Hôtel de Ville j’ai rencontré Honoré, le pompier, qui fait la police secrète pour l’État-major de la Ve armée directement. Il m’a demandé des renseignements sur Henri Lanson (1852-1938), négociant en vins de Champagne, boulevard Lundy, sur son esprit, sa mentalité, son patriotisme, etc…  il me demandait cela parce qu’il était chargé de faire une enquête sur lui parce qu’il entretenait une correspondance commerciale (?) (rayé) avec Bâle. Honoré avait l’air de dire que c’était une seconde affaire Goulden ! Je lui ai dit très nettement que Lanson était à l’abri de tout soupçon sur ce point

Vu M. et Mme Becker, et causé longuement. Madame Becker si courageuse depuis les hostilités. Son fils dont elle n’a pas de nouvelles est tué ou disparu (décédé le 22 août 1914 à Paimpont en Lorraine). On a parlé de Jean et de son admission à Fontainebleau, et très aimablement elle me propose de le recommander à sa fille, Mme Bayle, qu’elle doit voir à Fontainebleau, 17, rue Carnot et où elle dit partir demain. Son mari est capitaine, ancien professeur à l’École, et elle le recommandera à tous les officiers professeurs camarades de son mari, ainsi qu’au capitaine Vauthier, professeur et père d’un camarade de Jean, qui lui-même fait partie de cette promotion. J’ai accepté avec reconnaissance. Ma pauvre Madeleine sera heureuse en apprenant cela et Jean aussi dont j’ai reproché la timidité.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

15 novembre 1915 – Pendant toute la journée, activité sérieuse de notre artillerie, dont le tir est visiblement réglé par les avions.

— Le soir, à 19 h, commence brusquement une canonnade effrayante, comme celles entendues déjà lors des démonstrations. On suppose qu’il s’agit d’une attaque allemande ; c’est du côté de Courcy-Brimont que nos pièces tirent ensemble, en rafales et sans discontinuer, pendant une demi-heure. Le vacarme est assourdissant.

Vers 20 h, le calme se rétablit peu à peu, puis la batterie du Port-sec qui s’est mise à tirer seule, lorsque les autres commençaient à se taire, prolonge la séance encore pendant vingt minutes environ. Ensuite, c’est le silence pour la nuit.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

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 Cardinal Luçon

Mercredi 15 – Nuit tranquille en ville ; autour de Reims nuit bruyante, tirs fréquents de mitrailleuses, et je pense aussi de grenades et torpilles, toute la nuit. + 2° ; beau soleil. Visite de M. le Curé de Trigny. Rentrée à Reims de M…. Aéroplanes toute la journée ; tirs contre eux. Aéros allemands et français. Bordées de gros canons français de 2 à 3 h. Bombes sifflent à plusieurs reprises de 3 à 4 h. Journée des plus bruyantes de la part surtout des Français.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mercredi 15 novembre

Au sud de la Somme, l’artillerie ennemie, énergiquement contrebattue par la nôtre, a bombardé avec violence la région de Pressoir et le secteur Biaches-la-Maisonnette. En Argonne, nous avons occupé, au Four-de-Paris, un entonnoir provoqué par l’explosion d’une mine allemande. Sur le front de Verdun, canonnade intermittente, plus active dans les régions de Douaumont et de Vaux. Les Anglais, progressant toujours, ont pris le village de Beaucourt-sur-Ancre. Le nombre des prisonniers qu’ils ont faits dépasse de beaucoup 5000 et d’autres sont encore annoncés. Ils ont gagné du terrain à l’est de la butte de Warlencourt, au cours d’une action locale, faisant 80 prisonniers. Les troupes franco-serhes ont pris en tout sur la Cerna 1.447 ennemis dont 20 officiers. Elles ont capturé 25 canons, dont 8 lourds. Les Roumains ont quelque peu reculé dans la vallée de l’Olt. Leur flottille a canonné la rive du Danube en Dobroudja, à 6 kilomètres au nord de Cernavoda. Un torpilleur norvégien a canonné un steamer allemand qui portait, au mépris des règlements, un appareil de T.S.F, et qui s’était aventuré dans les eaux territoriales de Norvège. La Douma s’est réunie; le président, Radzianko, a écarté comme humiliante toute idée de paix séparée entre la Russie et les empires du centre. Le groupe polonais a formulé une protestation solennelle contre la germanisation de la Pologne. Le gouvernement anglais, dans une déclaration aux Communes, dit de nouveau que M. Venizelos est reconnu comme pouvoir de fait, mais que le gouvernement de Salonique n’a pris aucune allure anti-dynastique. M. Poincaré a reçu à l’Élysée le nouvel ambassadeur d’Italie, le marquis Salvago Raggi. Le baron Burian est parti pour Berlin où il doit conférer avec le chancelier allemand. Le général Porro, chef d’état-major de l’armée italienne, est arrivé à Paris. Les pourparlers entre l’Amérique et le Mexique subissent à nouveau un temps d’arrêt. L’Angleterre va procéder à toute une série de mesures tendant à assurer des économies. En même temps, elle envisage le moyen d’augmenter ses effectifs, et elle annonce son intention de poursuivre énergiquement la campagne d’hiver.

Source : La guerre au jour le jour