Louis Guédet
Dimanche 8 octobre 1916
757ème et 755ème jours de bataille et de bombardement
6h soir Temps couvert, brume s’élevant un peu l’après-midi, lourd. Nuit pluie battante. Messe de 8h1/2, écrit des lettres. Après-midi porté à la Poste ces lettres et poussé jusqu’à l’ancien bureau télégraphique pour réclamer une dépêche de l’Intendant de Châlons qui me l’avait envoyée hier matin, et qui ne me l’avait pas transmise. De là été à St Remy en passant par les Tilleuls, remonté la rue de Fléchambault, rues tristes et désertes. Cette place de St Remy à pareil jour si animée et bruyante, morne et lugubre. Je suis arrivé juste pour la bénédiction du St Sacrement, il y avait tout de même quelques fidèles. Repassé par le commissariat du 3ème canton place Suzanne pour communiquer à M. Speneux une plainte faite contre lui par une de nos justiciables de mardi dernier, à qui il a fait une réflexion qu’il n’aurait pas dû faire, car c’est une très honnête femme. Je ne l’ai pas trouvé mais lui ai demandé de venir me voir demain matin pour arranger cela. J’en ai déjà causé avec le Procureur M. Mathieu, substitut, que j’ai rencontré avant et qui est de cet avis. Repassé voir Croquet, mon greffier militaire, au 161 de la rue du Barbâtre, pour lui faire contremander (avertir quelqu’un de ne pas se rendre à l’invitation qui lui a été faite) mes convocations du 17 pour le 19 ainsi que Payen me le demandait dans sa dépêche. Pas trouvé, mais il sort d’ici, je lui ai donné mes ordres et une dépêche pour l’Intendant de Châlons. Je suis rentré à 4h1/2 éreinté. Je ne suis plus fort ! et comme toujours fort impressionné des ruines que j’ai revues et du morne de notre ville.
Voilà ma journée de dimanche ainsi « traînée », que c’est dur et triste. Quand je pense qu’il va falloir passer encore un hiver comme cela, j’en frissonne d’angoisse.
8h1/2 soir Pendant que je dinais, grand débat entre nos 3 braves gardiens, Jacques, Lise et Adèle. Ceux-ci discutant gravement, voire âprement sur leur juge de Paix, sa compétence, sa justice, etc… C’était fort amusant : on arriva à parler du départ du Tribunal Civil à Épernay.
Adèle de dire : Monsieur reste et restera.
Jacques : Croyez-vous ?
Lise : …………….. ???
Adèle : Je vous dis que si ! à preuve que j’ai vu dans le Petit Rémois que Monsieur resterait et que de plus il aurait bien plus d’ouvrage là !!
Jacques : Comment çà ?…
Lise : ……………….. (silence)…………….
Adèle : Pardi, puisque le Tribunal s’en va, Monsieur restera, vous le savez bien, et puis j’ai lu dans le Petit Rémois, et j’ai lu attentivement, que pour ne pas déranger les gens de Reims M. le juge restera et sera chargé d’instruire les ceux qui ne voudront pas aller à Épernay : comprenez-vous ??…
Jacques : Ah !…
Lise : …… (silence)…
Adèle : Vous voyez bien que Monsieur aura bien plus à faire. Quand je vous le disais !!
Silence général.
Adèle triomphe !!
Mais, il y a un mois, c’est que mon brave chien de garde qui prend tour pour alentour.
Dans l’article du Petit Rémois (l’Évangile d’Adèle) on parle du transfert, de départ du Tribunal à Épernay où il est ajouté que pour l’instruction des affaires correctionnelles les habitants n’auront pas à se déranger : « M. le Juge devant se tenir à la disposition des habitants de Reims et instruire comme par le passé les affaires relatives à Reims ». Or, pour la brave Fille, « M. le Juge », c’est « Monsieur ». Donc me voilà de par elle passé « Juge d’instruction !!!… » Et elle n’en démordre pas croyez m’en. Du reste Jacques et Lise n’ont pas protesté… Voilà comme on écrit l’histoire !!
Je me suis bien amusé, in-petto en tout cas !!…
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Dimanche 8 – Nuit tranquille. + 12° ; pluie. Voyage à Bouzy où Mgr Neveux confirme. Je donne confirmation à Ambonnay. Enchanté de la cérémonie, de l’assistance. Le Général Debet envoie ex officio le Colonel Mallet pour me présenter ses hommages. Très belle cérémonie par l’affluence et des fidèles et des soldats. Rencontré à Ambonnay l’Abbé Desgranges. Temps pluvieux la matinée ; passable l’après-midi.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Dimanche 8 octobre
Au nord de la Somme, notre infanterie a attaqué, en liaison avec l’armée britannique, en partant du front Morval-Bouchavesnes, et a brillamment atteint tout ses objectifs. Notre ligne a été portée à 1200 mètres au nord-est de Morval. Elle couronne les pentes ouest de la croupe de Sailly-Saillisel, toute la route de Bapaume à 200 mètres environ de l’entrée de Sailly et borde les lisières ouest et sud-ouest du bois de Saint-Pierre-Vaast, d’où elle se dirige sur la cote 130. On compte 400 prisonniers, dont 10 officiers et une quinzaine de mitrailleuses. De gros rassemblements ennemis ont été pris sous le feu concentrique de nos batteries.
Sur le front de Macédoine, succés alliés. Les Anglais ont enlevé six villages à la droite de la Strouma. Les Italiens ont pris l’offensive. Les Serbes ont escaladé le plateau de Dobro-Polié. Nos troupes ont occupé German. C’est l’investissement de Monastir.
Les Italiens sont maîtres de la cote 2456, dans le massif de la Dusa Alta (Haut-Avisio). La garnison a été détruite.
Source : La Grande Guerre au jour le jour