Louis Guédet
Lundi 8 mai 1916
604ème et 602ème jours de bataille et de bombardement
7h soir Pluie, froid, tourne au beau. Le calme. Vu pas mal de gens pour renseignements, actes, etc… Vu cet après-midi le Commissaire central M. Palliet qui me demandait de lui donner une procuration pour son divorce. Et là entrée de Creté, le juge (rayé) comme je causais avec M. Palliet et la conversation est venue tomber sur la panique et les déménagements ! A vrai dire ces 2 là ne sont guère encourageants. Ils ne parlent rien moins qu’on nous fera partir au dernier moment, qu’on évacuera tout le monde. Alors ce sera le pillage ! En tout cas ils ne sont guère rassurants !! Mon Dieu est-ce qu’il me faudra faire le sacrifice du peu qui me reste ?? me voir piller et ruiné. Non, ce serait trop. Mon Dieu faites que je meurs avant de voir cela !! Cela me tue, me broye, me brise, et il faut que je garde cela pour moi seul et que je me fige dans ma confiance (??)… pour les autres !! C’est dur, pénible et pas une petite lueur d’espoir, de consolation, de sérénité, de réconfort et de « rassurance » !! Mon Dieu !!!! Quel martyr.
Et puis, pour en revenir à ces 2 semeurs de panique, n’est-ce pas une propagande intéressée qu’ils font ainsi. Ils sont furieux d’être obligés de rester sous les bombes à Reims, alors ils seraient enchantés qu’on nous évacue, eux avec nous, ils n’ont rien à perdre et ils mettent leurs « petite peau » à l’abri. Peu leur chaut qu’on pille ces bons Rémois. Ils seront nommés ailleurs et leurs traitements courront toujours ! Et quand on songe que cela peut arriver de par la mentalité de ces gens-là, qui sont pour ainsi dire de connivence avec l’autorité militaire… pillarde ! on reste anéanti devant un tel cynisme.
Bref, c’est le mot d’ordre pour semer en douceur la panique et… vider ainsi Reims. Triste ! et triste monde ! Où allons-nous ? à l’anarchie ! au socialisme ! à la Révolution ! Je l’ai toujours dit.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Lundi 8 – Nuit tranquille sauf quelques gros coups ; + 12°. Vers 3 h. bombes sifflantes, sur les batteries sans doute. Visite d’adieu du Capitaine de Dampierre de Paris. Départ pour Paris. Visite à M. Letourneau, Curé de S. Sulpice, en me rendant aux obsèques du Card. Sevin.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Lundi 8 mai
Au nord de la Somme, les Allemands, après une intense préparation d’artillerie, ont prononcé une attaque sur nos tranchées, au sud de Lihons. Arrêtée par nos tirs de barrage, l’attaque s’est dispersée avant d’avoir atteint nos fils de fer.
Sur la rive gauche de la Meuse, le bombardement, très violent, qui dure sur la région de la cote 304, a été suivi d’une forte attaque allemande appliquée entre la cote 304 et le Mort-Homme. L’ennemi, après des efforts répétés, a pénétré dans un boyau à l’est de la cote 304. Partout ailleurs, il a été repoussé avec des pertes sérieuses.
Sur la rive droite, après une intense préparation d’artillerie, les allemands ont prononcé plusieurs attaques sur nos tranchées entre le bois d’Haudromont et le fort de Douaumont. Dans la partie ouest du front attaqué, ils ont pris pied sur une longueur de 500 mètres dans nos éléments de première ligne; ailleurs, leurs assauts ont été brisés.
Au sud de Saint-Mihiel, nous avons repoussé une forte reconnaissance ennemie.
En Lorraine, nous avons surpris une patrouille au sud-est de Nomény.
Au cours d’une bourrasque, plusieurs de nos ballons captifs ont été emportés dans les lignes allemandes.
Lutte d’artillerie sur le front belge.
Canonnade réciproque dans les secteurs anglais.
Source : La Grande Guerre au jour le jour