Louis Guédet
Jeudi 4 mai 1916
600ème et 598ème jours de bataille et de bombardement
6h1/2 Temps orageux, lourd, fatiguant, beaucoup d’avions. Toujours occupé. Sorti un peu l’après-midi, rencontré au Palais le procureur et Georget des Docks (Victor Georget, 1852-1927, fondateur en 1888 des Docks Rémois, avec pour enseigne Le Familistère). Causé longuement des événements et de la mentalité des Rémois de l’arrière. Nous sommes d’accord : on ne nous pardonnera jamais d’être restés. Lettre de Madeleine qui n’en n’a pas encore reçu de Jean. Elle est fort triste et moi aussi. Le temps orageux que nous avons est fort fatiguant.
8h A 6h3/4 voilà les bombes, et des grosses, assez près. Je commence déjà nos préparatifs d’exode dans la cave. Les registres d’étude, les dossiers et les minutes courantes, etc… Que de fois les aurai-je tenus, préparés, descendus, remontés !!! Parfois, en les prenant pour les donner à mes braves serviteurs compagnons d’infortune Jacques et Adèle – Lise ne fait que nous regarder – pour les descendre, la tentation me vient de laisser tout là !! Tant pis qu’ils soient brûlés, broyés, écrasés, pulvérisés, mais que je n’ai plus ce souci, cette obsession de les mettre en sûreté !!! Ce serait fini, je n’y penserais plus !! Oui ! mais le Devoir ! la Responsabilité purement morale me ressaisi et je re-traîne mon boulet !!
Été à 5h voir le bon Père Virion (au collège St Joseph), qui est toujours surprenant de calme et de bonhommie. Il m’a montré le trou de la bombe du 2 avril tombée dans la Cour d’Honneur de leur collège de la rue de Venise, 35 – 37, en face de la statue de St Joseph qui est au rond-point côté chapelle ouest en opposition avec celle de la Vierge, est. Le pauvre St Joseph a lui aussi écopé, il a un pied de moins, un trou ou 2 dans sa robe et un au cœur. C’est digne d’une victoire de la Kultur Allemande ! En tout cas le brave St Joseph n’en n’a pas pour cela lâché son Enfant Jésus qu’il soutient de son bras avec son air toujours placide et componctueux.
La soirée est lourde, orageuse. Je souffre vraiment de la chaleur. Pauvre Jean, pauvre enfant, pourvu que là-bas à Rennes il n’ait pas cette température déprimante et lourde.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
4 mai 1916 – Bombardement sur le centre, commencé à 18 h 1/2.
La rue des Élus, la rue Cérès, la place des Marchés, la rue Courmeaux sont éprouvées. Dans cette dernière rue, la maison à l’angle gauche de la rue Saint-Crépin, où était installée une succursale des Établissements Économiques, gérée par M. et Mme Frissart, est défoncée par un obus.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Jeudi 4 – Nuit tranquille ; journée assez tranquille en ville, sauf conversation bruyante par gueule du canon, à coups de grenades ou torpilles. 5 h. Trois aéroplanes français. Visite du lieutenant Millac me proposant une visite aux tranchées. Visite de M. l’abbé Queutelot, de M. de Vitray. 6 h. 3/4. 7 h. Bombes sur la ville, rue des Marchés, rue de Tinqueux, etc. Mort du Cardinal Sevin, à 6 h. 45 du matin.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Jeudi 4 mai
En Argonne, après un vif bombardement avec des obus lacrymogènes, l’ennemi a tenté une attaque sur nos tranchées entre la Harazée et le Four-de-Paris. Il a été repoussé et fortement éprouvé par nos feux.
Bombardement violent du secteur d’Avocourt.
Nos troupes, par un brillant assaut, ont enlevé les positions allemandes au nord-ouest du Mort-Homme. Nous avons fait 100 prisonniers et capturé quatre mitrailleuses.
On signale de graves désordres à Dublin, trois des chefs de la révolte irlandaise ont été fusillés. Les cours martiales fonctionnent à Dublin. M. Birrell, secrétaire d’État pour l’Irlande, a démissionné. La Chambre des Communes a voté en première lecture le bill sur la conscription pour les hommes mariés.
Source : La Grande Guerre au jour le jour