Louis Guédet

Vendredi 5 mai 1916

601ème et 599ème jours de bataille et de bombardement

6h soir  Toujours temps lourd et orageux, c’est réellement fatiguant. Ce matin audience civile au Palais (de Justice), 4 ou 5 affaires. Hier, j’avais été au Procureur de la République pour porter une lettre de M. Jésus, mon greffier de Paix des 2ème et 4ème cantons, et avait chargé M. Landréat de faire la besogne pour lui moyennant l’abandon de ses émoluments mensuels, soit 80 Fr par mois, et qui, pour échapper au bombardement, n’a rien trouvé de mieux que de s’engager au 41ème régiment d’Infanterie à Rennes, comme cela il sera loin des bombes !! J’apportais donc au Procureur la lettre par laquelle Jésus m’annonçait sa décision.

Mais M. Bossu ne l’entend pas de cette oreille et va faire revenir ici mon Jésus dare-dare, comme M. Delaunay, juge d’instruction, en vertu de la circulaire du Garde des Sceaux qui interdit à tous magistrats, greffiers, etc…  de contracter un engagement militaire sans en avoir obtenu l’autorisation du Ministre de la Justice. Mon Brave Jésus va donc être obligé de revenir ici et de reprendre son greffe tout en restant militaire en congé !! Je vais donc joindre aux Balances et à l’Épée de mes Justices de Paix un greffier en uniforme de bibi de 2ème classe.

Voilà donc un juge de Paix qui va s’adosser comme greffier d’un disciple de Bellone (déesse romaine de la guerre incarnant plutôt les horreurs de la guerre que ses aspects héroïques) !! Oh ! le moins belliqueux que je connaisse ! A chaque bombardement il se met entre 2 matelas et attend la fin de l’arrosage !! En tout cas un poltron qui pour fuir les bombes s’engage comme soldat. Çà, ce n’est pas banal !! On en voit de toutes façons.

Ce que ce malheureux Jésus va s’attirer de brocards ! Tout le premier je ne m’en ferais pas faute.

Pas de nouvelles de ma femme ni de Jean. Que deviennent-ils ? Que font-ils ? Mon Dieu protégez-les.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

5 mai 1916 – Dans Le Courrier d’aujourd’hui, se trouve ce court rensei­gnement.

Au sujet des pommes de terre.

M. le Procureur de la République a ouvert une informa­tion, à la première chambre, contre divers négociants et re­vendeurs de la région, pour accaparement des pommes de terre.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

 Cardinal Luçon

Vendredi 5 – Nuit tranquille, sauf quelques canonnades violentes vers 4 h. du matin. + 17°. La Croix annonce la mort du Cardinal Sevin. Via Crucis in cathedrali. Reçu lettre.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Vendredi 5 mai

En Belgique, les tirs de notre artillerie ont bouleversé les organisations ennemies de la Grande-Dune et provoqué l’explosion d’un dépôt de munitions.
En Argonne, nous avons canonné les organisations ennemies du bois de Cheppy. Lutte de mines à la Fille-Morte.
Combat à coups de grenade dans le bois d’avocourt.
Nous avons élargi et consolidé nos gains au Mort-Homme. Une petite attaque allemande sur les tranchées récemment conquises par nous a été arrêtée net par nos tirs de barrage.
A l’est de la Meuse et en Woëvre, activité intermittente d’artillerie.
Aux Eparges, nous avons fait sauter une mine dont nous organisons l’entonnoir.
A l’est de Saint-Mihiel, une forte reconnaissance ennemie a été repoussée par nous en forêt d’Apremont.
Un
zeppelin a coulé en mer du Nord sur la côte de Norvège.
On annonce que les Allemands feraient évacuer Metz par la population civile.
M. Liebknecht a été arrêté à Berlin à la suite des manifestations du 1er mai. Étant mobilisé, il est justiciable des conseils de guerre. Le groupe socialiste au Reichstag demande sa libération.
Un de nos avions a abattu un appareil allemand à Douaumont.
Nos troupes occupent, en Grèce, Florina.

Source : La Grande Guerre au jour le jour


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