Paul Hess

19 avril 1916 – Depuis quelque temps, des travaux sont encore exécutés aux limites de la ville, en vue de sa défense.

Des abris pour mitrailleuses ont été construits en différents endroits et certaines rues des faubourgs sont garnies de fils de fer, comme d’autres qui l’avaient été déjà. Les hommes d’une compa­gnie du 2e Génie, arrivée récemment, ont été employés, vers le haut de l’avenue de Laon, à droite et à gauche, à pratiquer des ouvertures dans les propriétés afin de les faire communiquer entre elles, et à percer de créneaux les murs des clôtures. De plus, l’ar­tillerie lourde s’est augmentée de nouvelles pièces qui se sont déjà fait entendre.

Il est résulté de ceci, un grand émoi parmi la population res­tante, provoqué surtout par les prévisions pessimistes de gens qui ne supportent la situation qu’en se répandant en lamentations.

Des bruits d’évacuation ayant pris facilement corps, après le violent bombardement du 2 avril, ont au surplus fini par inquiéter des habitants qui, jusqu’alors, avaient montré une grande résistance au cours de tous les tristes événements qui se sont déroulés à Reims, depuis plus de dix-huit mois. Il y a recrudescence de dé­ménagements.

On se prépare évidemment, au cas où il y aurait à parer un choc formidable. Que sera-t-il ? Personne n’en peut rien dire, mais on en parle beaucoup, peut-être trop.

Depuis le début du bombardement, il en a été ainsi : il a fallu un moral solide aux Rémois et Rémoises décidés à rester, pour réagir contre les racontars, les discours démoralisants. Ils ont tou­jours eu, heureusement, l’exemple de fermeté résolue donné par le maire avec son administration municipale, ainsi que par le cardinal-archevêque et son entourage. C’est à ceux-là qu’ils doivent faire confiance et non à d’autres.

Il est à remarquer que certains bavards, qui cherchent à faire partager leurs inquiétudes, dont on colporte les propos en raison précisément de l’autorité qu’ils détiennent ou sont censés repré­senter, devraient être les premiers à s’abstenir de toute parole im­prudente.

En septembre 1915, nous avons pu constater que la peur est contagieuse et mauvaise conseillère. A ce moment, on vivait sous l’appréhension du « Grand coup », qui fit causer énormément et provoqué de nombreux départs. Le commandant de réserve P… du 3e, bien connu du voisinage de la rue Lesage, ne prédisait-il pas alors, sans doute pour avertir obligeamment ceux ou celles qui l’écoutaient, qu’en octobre, il ne resterait pas à Reims pierre sur pierre. Il eût mieux fait de se taire… et cela est passé.

Il est bon de ne pas se laisser influencer.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Reims, fils de fer barbelés devant l'église St-Rémi : [photographie de presse] / Agence Meurisse - Gallica-BNF
Reims, fils de fer barbelés devant l’église St-Rémi : [photographie de presse] / Agence Meurisse – Gallica-BNF

Cardinal Luçon

Mercredi 19 – Nuit tranquille, sauf rafales à diverses heures ; + 6° ; journée paisible.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

 

Mercredi 19 avril

A Vauquois, nous avons fait sauter un poste ennemi avec ses occupants.
Sur la rive droite de la Meuse, après un bombardement intense, les Allemands ont lancé une puissante attaque à l’effectif de deux divisions sur un front de 4 kilomètres. Ils n’ont pu prendre pied que dans un petit saillant au sud du bois du Chauffour. Ils en ont été rejetés en partie. Le mauvais temps a ensuite gêné les opérations.
A l’est de Saint-Mihiel, nos batteries ont canonné des rassemblements ennemis près de Woinville.
La Chambre a décidé que l’heure légale sera avancée d’une heure.
Un hydravion français et trois hydravions italiens ont bombardé des points importants près de Trieste.
Après une attaque foudroyante, les troupes russes du Caucase ont pris Trébizonde. Un débarquement des troupes de la flotte, opéré avec une témérité inouïe, a permis aux troupes de terre d’enlever la ville.
Le prince Alexandre de Serbie est arrivé à Corfou

Source : la Grande Guerre au jour le jour.