Louis guédet
Lundi 10 avril 1916
576ème et 574ème jours de bataille et de bombardement
6h soir Temps magnifique pour aller à Fismes d’où je rentre à l’instant. Tout le long de la route des troupes, des baraquements, ce n’est que camps, mais quel calme auprès de notre vie ici ! Vu Bruneteau et procédé à la levée des scellés et l’inventaire chez Mme Sarazin, veuve d’un ancien notaire de Fismes et Conseiller Général (Jacques Sarazin 1823-1899). J’ai remué quantité de souvenirs avec les neveux et héritiers de cette dame que je connaissais (parenté par une cousine lointaine, Augustine Guédet, qui avait épousé Jules Sarazin le 1er juin 1887). Tout c’est bien passé. Mt Dondaine m’accompagnait pour son registre à Fismes. Il s’amusait énormément des saluts que tous les soldats nous faisaient en passant avec notre auto. On nous prenait sans doute pour des… ministres !! Je n’en n’étais pas plus fier pour cela et enviait plutôt le sort de tous ces gens de la campagne qui vaquent à leurs travaux sans paraître se douter que la Guerre existe et que nous retournions dans notre Enfer. Trouvé quelques lettres auxquelles j’ai répondu. Dès demain je vais m’occuper de mon voyage à Paris et St Martin.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Hortense Juliette Breyer
Lundi 10 Avril 1916. – Encore une victime qui nous est connue. Mme Goulon, la femme du chef jardinier, a été tuée par une bombe. Tout le monde se sauve de Reims, surtout que les bruits circulent que l’on évacuera. Mais je ne le pense pas, et puis où aller ?
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)
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Lundi 10 avril
En Argonne, nous exécutons des concentrations de feux sur les voies de communication de l’ennemi. Nos batteries lourdes ont canonné d’importants rassemblements de troupes.
A l’ouest de la Meuse, une bataille violente s’est engagée d’Avocourt à Cumières et même elle s’est étendue à la rive droite du fleuve. Après avoir évacué de propos délibéré Béthincourt qui faisait saillant, nous avons formé une ligne continue du réduit d’Avocourt à Chattancourt. Toute cette ligne violemment attaquée a résisté aux assauts les plus furieux.
Les Allemands ont subi un échec sanglant du Mort-Homme à Cumières. Leurs colonnes se sont dispersées sous notre feu, abandonnant des centaines de cadavres.
Un autre échec leur a été infligé entre le bois d’Avocourt et le ruisseau de Forges. Une troisième attaque, dirigée sur un de nos ouvrages au sud-est d’Avocourt, et qui avait pris pied dans une tranchée, en a été aussitôt rejetée.
Activité d’artillerie à l’est de la Meuse. Les attaques ennemies n’ont pu déboucher.
Les Anglais ont capturé un fokker. Activité d’artillerie sur leur front autour de Neuville-Saint-Vaast. Ils ont gardé une bonne partie du terrain conquis autour de Saint-Eloi le 27 mars.
Les Russes se rapprochent à nouveau de Trébizonde.
Les Bulgares concentrent des troupes dans la région du Danube.