Louis Guédet
Samedi 18 mars 1916 553ème et 551ème jours de bataille et de bombardement
Voyage à Épernay – St Martin
5h soir Je viens de rentrer de St Martin que je viens de quitter ce matin à 7h. De plus en plus triste et de plus en plus désemparé. Voir ma pauvre chère femme et nos petits… mon Père souffrir comme ils souffrent, surtout ma chère et nos enfants qui vivent de privations. J’en reviens le cœur saignant. Aussi j’offre volontiers ma vie, j’en fais volontiers le sacrifice, pourvu que mes chers aimés ne souffrent plus ainsi, qu’ils soient à l’abri de tout besoin, qu’ils aient même plus que le superflu, mais pour Dieu qu’ils ne souffrent plus comme cela.
Le bas de la page a été découpé.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Juliette Breyer
Samedi 18 Mars 1916. Aujourd’hui Charlotte écrit que Paulette ne va pas. Son entérite l’a reprise et elle a crise sur crise. Cette fois-ci elle nous prie de demander son laisser-passer. Nous avons été voir M. Baudet puisqu’il s’en occupe mais il nous répond qu’on n’en délivre plus. On ne peut plus revenir à Reims. Tu penses, quand Charlotte saura ça elle sera contrariée et on l’avait prévenue : depuis que la bataille de Verdun est en route on ne voyage plus comme on veut.
Et puis avec cela on craint quelque chose pour Reims. Avec tous les préparatifs que l’on fait, on peut le croire. Ce matin encore on a amené des canons sur la butte Saint Nicaise et près de chez M. Baudet. D’ailleurs on a renforcé l’artillerie partout. On parle même qu’on pourrait être évacués car nous sommes en pleine ligne de feu, des canons tout autour de nous. Je préférerais, vois-tu, rester enfermée un mois s’il le faut mais ne pas partir. Mon pauvre Lou, nous reverrons-nous un jour ? Il me semble toujours être dans un cauchemar dont je ne puis sortir.
Mais tout mon cœur restera pour toi.
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)
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Samedi 18 mars
Au nord de l’Aisne, nous avons repoussé une attaque ennemie dirigée sur un de nos petits postes au sud-est du bois des Buttes. Notre artillerie opère efficacement dans la région de la Ville-aux-Bois et du plateau de Craonne. En Argonne, nous battons les voies de communication de l’ennemi en arrière du front. A l’est de la Meuse, série d’actions offensives très violentes durant la nuit, contre nos positions du village et du fort de Vaux. Les Allemands lancent, sans aucun succès, cinq attaques à gros effectifs. Elles sont toutes brisées, et leur coûtent des sacrifices sensibles. Notre artillerie a détruit un important dépôt de munitions à Champneuville. Canonnade réciproque en Woëvre. A l’ouest de Pont-à-Mousson, un coup de main exécuté sur un saillant de la ligne adverse au bois de Mortmare, nous a permis de ramener des prisonniers. On annonce la mort du lieutenant-colonel Driant au bois des Caures. Le ministre des Finances d’Allemagne a fait un exposé, optimiste comme d’habitude, devant le Reichstag. M. Liebknecht a provoqué un grand tumulte par ses déclarations à la Chambre de Prusse.